L'avocate-arbitre vient de prononcer la première sentence arbitrale basée sur le règlement d'arbitrage OHADAC. Une première qui démontre que les esprits et les arbitres sont prêts à sortir du tout judiciaire.
Vous avez mené la première sentence arbitrale réussie à partir du Règlement d'arbitrage OHADAC : de quoi s'agit-il ?
Dans le cadre du Centre d'arbitrage régional OHADAC (CARO) basé en Guadeloupe, chargé de développer les pratiques de l'arbitrage dans la zone Caraïbe, j'ai effectivement assisté deux entreprises guadeloupéennes qui ont choisi l'arbitrage pour résoudre un litige à propos de la cession d'un fonds de commerce. J'ai été désignée d'un commun accord par les parties et le litige a été tranché en équité, conformément à leur choix.
L'arbitrage est une méthode alternative de résolution de conflits commerciaux qui est efficace parce qu'elle respecte un calendrier décidé avec les parties et que les coûts sont maîtrisés. Elle peut être rendue par un arbitre unique désigné par les parties ou par un tribunal arbitral fort de trais arbitres ; chaque partie désigne alors son arbitre, et ce sont ces deux arbitres qui désignent le troisième.
Dans le cas d'espèce, comment cela s'est-il passé ?
Tout d'abord, afin que l'arbitrage puisse être utilisé pour résoudre des litiges, il faut que les contrats entre les parties comportent des clauses d'arbitrage. Si une telle clause est inscrite dans les contrats des parties, le tribunal de commerce ne pourra pas statuer. Cependant, si cette clause n'est pas inscrite dans les contrats, les parties en litige qui veulent y avoir tout de même recours peuvent signer entre elles, aidées de leurs conseils, un compromis d'arbitrage avant d'entamer la procédure.
Cette première procédure d'arbitrage s'est déroulée durant le confinement, car la présence physique des parties n'est pas exigée. Ce qui veut dire que, quels que soient les événements extérieurs, comme cette crise sanitaire qui a un temps perturbé le fonctionnement de la justice, une procédure d'arbitrage peut, elle, suivre son cours.
Qu'est-ce qui peut inciter les parties à se lancer dans une procédure d'arbitrage ?
C'est une procédure confidentielle, alors que celle devant les tribunaux classiques est publique. Elle est en outre rapide : la mise en état des pièces est rapide, et il y a possibilité de transiger. Dès la première audience, le calendrier est fixé : la date pour communiquer le mémoire à la partie adverse et à l'arbitre est établie. L'arbitre peut clôturer les débats avec ou sans plaidoirie.
C'est en outre une procédure à coût maîtrisé puisqu'il n'y a pas d'appel, sauf en cas de nullité pour fraude par exemple, ce qui est très rare. L'exécution est en outre rapide.
Pourquoi, selon vous, l'arbitrage se développe-t-il ?
En fait, alors que la judiciarisation se développe, on se rend compte qu'elle n'apporte pas toujours une solution et que souvent de la frustration persiste à la fin des procédures. En outre, les procédures classiques sont longues, en moyenne trois ans ; or, souvent, les entreprises ne peuvent pas attendre, et il arrive que certaines d'entre elles disparaissent.
L'arbitrage est une justice privée, rapide et efficace. Il permet de sortir d'un litige entre prestataires, fournisseurs, souvent de préserver la relation commerciale. La prescription d'une sentence arbitrale est de dix années.
Combien de temps dure une procédure d'arbitrage ?
La procédure dure en moyenne entre six mois et un an en fonction de la complexité du dossier. Les parties peuvent définir jusqu'à quatre dates pour échanger leurs mémoires et argumenter.
Combien coûte une procédure d'arbitrage ?
Il n'y a pas de grille tarifaire : tout dépend de la renommée et de l'expérience des arbitres. En outre, le calcul se fait par rapport à la valeur du litige. Par exemple, pour un litige de 25 000€, l'arbitrage coûtera entre 3000 et 4000€.
Quoi qu'il en soit, le coût total de l'arbitrage est inscrit dans la convention d'arbitrage.
Karine Linon
Avocat au Barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Saint-Barthélemy
Inter-Entreprise N°170 - Décembre 2020/Janvier2021
Publié le 31/12/2020, 15h26