Le congrès des 21 et 22 septembre 2015 a permis de présenter « les Principes OHADAC des Contrats du Commerce International ». Ceux-ci ont été rédigés par l'équipe d'universitaires et de chercheurs dirigée par le Professeur Sixto Sanchez Lorenzo.
Ce panel était modéré par :
- Philippe DUPICHOT, Professeur de droit, École de Droit de la Sorbonne, Secrétaire général de l'Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française, (France),
Et réunissait les intervenants suivants :
- Sixto Sanchez Lorenzo, Professeur de Droit de l'Université de Grenade - arbitre international - Espagne,
- Angel Espiniella Menéndez, Professeur de Droit de l'Université d'Oviedo - Principauté des Asturies - Espagne,
- Maria Luisa Palazon Garrido, - Professeure de Droit - Université de Grenade - Espagne,
- Peter Klik, Maître de Conférence - Université de Curaçao - Curaçao - Antilles Néerlandaises.
Dans son propos liminaire, Philippe DUPICHOT présentait l'association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française, qui œuvre depuis 1935 à la promotion de la culture civiliste, et travaille actuellement à la révision du droit des contrats après s'être consacrée, entre autres, à la rédaction des principes européens du droit des contrats (en 2008).
Partant du constat que la Caraïbe représente une aire de métissage juridique, il a souligné le fait que le projet OHADAC tend à une véritable harmonisation, et non pas à une unification, comme c'est le cas de l'OHADA en Afrique Subsaharienne. L'organisation propose ainsi des lois modèles aux législateurs des Etats de la Caraïbe.
Il a rappelé que la sécurité juridique est une condition essentielle au développement économique, citant le juge Kéba Mbaye, père fondateur de l'OHADA, qui affirmait : « L'OHADA a une origine économique et sa raison d'être est économique, tout simplement ». Il en a conclu qu'il en allait de même pour l'OHADAC.
Sixto Sanchez Lorenzo a présenté un exposé intitulé : « Les objectifs des principes OHADAC : formation, validité et interprétation », commençant par rappeler l'absence d'intérêt stratégique de l'Espagne dans la zone Caraïbe, ce qui a conféré aux juristes espagnols un gage de neutralité, par opposition à l'unification droit contractuel en Europe, qu'il estime politisée.
Dans un premier temps, il s'est attaché à exposer les grandes lignes des principes OHADAC des contrats du commerce international, puis, dans un second temps, le Professeur a développé certains aspects substantifs plus concrets.
Les lignes directrices des principes OHADAC des contrats du commerce international : À l'instar d'autres textes d'harmonisation du droit contractuel international, les Principes OHADAC sur les contrats commerciaux internationaux répondent à un modèle de soft law à caractère facultatif. A la différence des objectifs explicites énoncés dans les Principes UNIDROIT, les Principes OHADAC ne prétendent à aucun moment s'ériger en Loi Modèle.
Les Principes OHADAC, contrairement aux Principes UNIDROIT ou d'autres textes internationaux d'harmonisation, ne sauraient se justifier comme un songe de ratio scripta, une synthèse de la lex mercatoria, ou des principes généraux du commerce international. Leurs objectifs pratiques sont plus modestes, mais dans le même temps néanmoins leur perspective est plus ambitieuse, car ils visent à surmonter le mauvais accueil dans la pratique de textes comme les Principes UNIDROIT, ou les principes de droit contractuel européen. En effet, pour respecter l'autonomie de la volonté des parties et proposer une véritable alternative, les principes OHADAC doivent offrir aux parties des options, d'autant que le plus souvent, les parties souhaitent que leur propre droit soit appliqué, car elles le connaissent.
À cette fin, les Principes OHADAC sur les contrats commerciaux internationaux envisagent l'élaboration d'un texte juridique qui soit utile et fiable pour tout opérateur du marché caribéen, quelle que soit sa culture juridique. Les limites qu'implique le maintien d'un plus petit dénominateur commun transforment en certaines occasions les Principes en une sorte de guide juridique commercial, de règles et pratiques communes, et des clauses types.
L'orateur rappelait que dans un cadre contentieux, les juges doivent pouvoir aborder des textes relevant de n'importe quel système juridique, leur interprétation étant nécessairement guidée par la neutralité. Même si les juges ont recours aux principes OHADAC, il reste nécessaire de tenir compte du droit national (article 6, notamment).
Sur le plan substantif : Le professeur Sanchez Lorenzo rappelait qu'il s'agit d'une structure classique. Le régime de formation du contrat obéit aux règles les plus répandues en droit comparé, à savoir la rencontre de l'offre et de l'acceptation grâce au principe de la « réception ».
La définition de l'offre, et en particulier son caractère « suffisant », permet d'éviter les définitions rigides qui sont essentiellement interprétatives et restent attentives aux usages du commerce international, fuyant les faux conflits.
Les Principes prônent la sécurité juridique du régime de la contreproposition, avec une marge de flexibilité dans le cas de batailles de formulaires. Une des contributions les plus notables peut être la reconstruction d'un régime commun aux différents modèles de vices du consentement, très différents en droit comparé, non seulement en ce qui concerne leur définition, mais surtout, eu égard à leurs conséquences pour l'inexistence, la nullité ou l'annulation du contrat. Les règles d'interprétation des contrats apportent aussi une contribution singulière : elles constituent une tentative claire de convergence définitive sur ce point (entre les solutions apparemment contradictoires qu'offrent les systèmes de common law et les systèmes civilistes).
Angel Espiniella Menéndez, intervenait ensuite sur le thème « Contenu et cession du contrat ».
L'expérience de l'OHADAC peut devenir une référence mondiale dans la mesure où il s'agit d'harmoniser des textes juridiques très pointus.
Les chapitres IV et VIII des Principes OHADAC sur les Contrats du Commerce International, sont caractérisés par :
- l'autonomie des parties,
- la souplesse des dispositions contractuelles.
1- Le contenu des contrats :
Les règles relatives au contenu et à la cession du contrat prévues par les Principes OHADAC constituent une proposition particulièrement utile pour les opérateurs caribéens, pour trois principales raisons. Tout d'abord, ils expriment le plus grand respect de l'autonomie de la volonté des parties, en proposant une série de clauses contractuelles « type » qui peuvent être facilement adaptées aux besoins concrets des parties. Ensuite, ces règles prévoient une systématisation claire et facile à employer, à l'opposé d'une codification classique, rigide et fermée. Enfin, ces règles reflètent le consensus minimum (sur le contenu et sur la cession du contrat) entre les différentes traditions juridiques qui inspirent les législations des États participant à l'OHADAC.
Le contenu du contrat est une question d'importance stratégique pour les parties ; il est régi essentiellement par les sections 2 et 3 du chapitre 4 des Principes, qui analysent l'intégration du contrat à compter de l'obtention de l'accord des parties, de sa rationalité objective et de sa finalité, ainsi que les conséquences de l'insertion d'une « clause d'intégrité ». Les principes OHADAC déterminent la qualité de la prestation et le prix lorsque ces derniers n'ont pas été prévus au contrat ou lorsqu'ils ne peuvent être déduits de celui-ci. De même, la possibilité d'inclure des obligations de résultat est envisagée, pour que soient utilisés les meilleurs moyens dans l'exécution de la prestation et des obligations conditionnelles (qui dépendent d'événements futurs et incertains). Le consensus minimal reste celui du respect de l'autonomie de la volonté des parties. Les principes OHADAC suggèrent l'insertion des clauses qui conviennent le mieux aux parties, notamment celles ayant trait à la bonne foi, même si ce principe est peu accepté dans les pays de common law.
Le Professeur Espiniella Menendez rappelait la nécessité d'inclure des règles relatives aux conditions contractuelles afin de donner effet aux obligations des parties, tout en soulignant que les règles figurant au chapitre IV sont de nature à réduire les conflits dans les contrats.
La deuxième partie de l'intervention du professeur Espiniella Menendez était consacrée à a cession des droits, celle des obligations et celle du contrat dans son ensemble, ces questions étant abordées aux sections 1, 2 et 3 du chapitre 8 des Principes OHADAC sur les contrats du commerce international.
Il rappelait la particulière importance de ces questions pour la sécurité du commerce et pour une meilleure exécution du contrat. Il est question, en particulier, des conditions requises pour que la cession soit efficace, tant en ce qui concerne la position dans laquelle se trouvent le cédant, le cessionnaire et la contrepartie, que pour ses effets sur le contrat, sur les garanties données par des tiers, les exceptions et les moyens de défense des parties contractantes.
Pour ce qui était de la cession des droits, il était indiqué que l'esprit des principes OHADAC est celui d'une modulation simple plutôt que la codification, afin de réduire la conflictualité dans les contrats.
Pour ce qui est de la cession des obligations et des contrats, il était rappelé que, quel que soit le débiteur originaire, le consentement du créancier est nécessaire. En l'absence de consentement, le débiteur originaire doit rembourser ou payer les marchandises.
Maria Luisa Palazon Garrido intervenait sur le thème de « L'inexécution et les recours dans les principes OHADAC sur les contrats du commerce international ».
L'inexécution et le système des recours déterminent la responsabilité contractuelle. Il s'agit d'une matière clef du Droit des contrats dans tous les systèmes juridiques. Pour cette raison, il était important que dans le travail de rédaction du chapitre 7 des Principes OHADAC, soit fait l'effort de rechercher des dénominateurs communs, afin de ne pas rédiger des règles qui puissent être inacceptables dans un système juridique de l'environnement OHADAC.
Dans la première section du chapitre 7, on retrouve les dispositions générales relatives à l'inexécution du contrat, qui se définit par :
- son caractère unitaire et objectif (Art. 7.1.1),
- sa nature essentielle, avec des conséquences sur la réglementation des voies de recours (art. 7.1.2) et sur la définition du cadre général des voies de recours, avec la possibilité de cumul et d'application du « ius variandi » entre les recours (art. 7.1.3).
Sont aussi réglementés dans ce chapitre :
- le recours défensif de suspension de l'exécution, pour les obligations réciproques (article 7.1.4.),
- la possibilité de corriger l'inexécution, en tant que moyen de favoriser la conservation du contrat et d'atténuer les dommages causés par l'inexécution (article 7.1.5.),
- l'acceptation d'un délai supplémentaire pour l'exécution (art. 7.1.6),
- les clauses d'exonération ou de limitation de responsabilité (art. 7.1.7) ainsi que la force majeure, comme fait justificatif de l'inexécution (art. 7.1.8).
Dans le cadre des Principes OHADAC des contrats du commerce international, pour ce qui est des voies de recours, l'inexécution permet de présenter un cadre de solutions harmonieuses. Outre la suspension de l'exécution, les trois principaux recours en cas d'inexécution du contrat sont : l'exécution spécifique (article 2) ; la résolution du contrat (article 3) et l'indemnisation des dommages (article 4).
Dans la réglementation de l'exécution spécifique, une solution de compromis permet de surmonter le fossé existant en la matière entre les systèmes de droit civil et ceux de common law. En principe, le recours est autorisé en cas d'inexécution des obligations, quel que soit son objet (art. 7.2.1.), mais le respect dû à la tradition anglo-saxonne induit de limiter la portée de la prétention d'exécution des obligations en nature (Art. 7.2.2).
Dans l'article 7.3.1, la réglementation du recours résolutoire, il a été accordé la faculté au contractant insatisfait de résoudre le contrat avant toute inexécution, avec une procédure différenciée, selon que l'on se trouve en présence ou non d'une inexécution essentielle. Dans le premier cas, le créancier lésé peut résoudre le contrat sans autre formalité. Si l'exécution reste possible et utile pour le créancier, celui-ci ne pourra pas exercer le recours résolutoire sans accorder au débiteur un délai supplémentaire pour l'exécution de ses obligations. Pour l'exercice de ce recours, un système de résolution extrajudiciaire par simple notification à la partie défaillante est proposé (art. 7.3.3).
En ce qui concerne les effets de la résolution, il a été opté pour la non-rétroactivité de l'effet libératoire, et pour la rétroactivité limitée à l'effet résolutoire, dans le seul but de liquider la situation existante entre les parties à la suite d'une inexécution (art. 7.3.4).
Les règles sont complétées par concession d'un recours face à une inexécution essentielle prévisible et pour absence de garanties raisonnables de l'exécution (art. 7.3.2).
La 4e section aborde la question du recours indemnitaire, matière pour laquelle il existe une pratique convergente dans les différentes cultures juridiques représentées sur le territoire de la Caraïbe. La réglementation de ce recours se dispense de la condition de retard. Elle assure le principe de la réparation intégrale (article 7.4.1.) et la règle de la prévisibilité du préjudice (section 7.4.2.). Sont également réglementées les modalités de calcul concret et abstrait afin de faciliter l'évaluation du préjudice (art. 7.4.5). L'obligation d'atténuer le préjudice (art. 7.4.3) et la négligence du cocontractant (art. 7.4.4) sont consacrés comme les limites au recours.
Enfin, il a semblé opportun de réglementer les clauses pénales, en permettant celles de liquidation préalable ou d'estimation préalable des dommages, sans retenir celle dite de « peine cumulative » qui supposerait un choc important avec la tradition anglo-saxonne. Le pouvoir modérateur des indemnisations convenues est sanctionné afin de permettre le contrôle des stipulations déraisonnables et manifestement abusives (Art. 7.4.7).
Peter Klik a terminé les interventions de cet atelier par une communication sur les « Les principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international : une perspective européenne »
Dans un premier temps, il a effectué un point historique allant de l'échec d'ULIS-LUVI / ULF-LUF (Loi uniforme sur la vente internationale de marchandises) de 1964 au succès de la CVIM (Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises) de 1980.
Il a rappelé que si depuis plusieurs décennies, l'unification a beaucoup progressé, il convient de préserver les différences politiques, de développement (industriel), linguistiques et celles qui existent entre droit civil et common law, d'autant qu'il est difficile d'outrepasser la tradition des États.
P. Klik précise que les parties au contrat peuvent exclure la Convention sur la Vente Internationale de Marchandises - CVIM -, ce d'autant que le système de l'adhésion à une convention offre moins de chances de réussite (voir la relation entre la loi uniforme et l'usage commercial). La CVIM présente toutefois l'avantage de fournir des règles supplémentaires dans le cadre des affaires les plus difficiles à résoudre, étant entendu que les litiges autour de la CVIM sont résolus par les tribunaux ou par le Conseil Consultatif, palliant l'absence de Cour Suprême de la CVIM.
En 1994, les Principes UNIDROIT sur le contrat commercial international sont entrés en vigueur. Ils visent à la reformulation du droit américain et interagissent avec les dispositions de la CVIM.
La commission Lando, ou Commission pour le Droit Européen des contrats, a produit successivement en 1995, 2000 et 2003, les principes européens de droit des contrats (PDEC), lesquels sont applicables à tous les contrats, et pas seulement aux contrats de droit commercial. Ils fournissent une base à l'harmonisation, et un cadre commun de référence a été présenté en 2008, sans pour autant atteindre le statut d'un cadre contraignant de code de commerce européen uniforme.
En 2011, la Commission européenne a proposé un droit commun européen de la vente (DCEV). Ce droit commun entrera-t-il en vigueur un jour ?
Le Professeur Klik a ensuite posé la question de l'existence future d'un Code Européen, précisant que cette question avait été abordée par le Parlement Européen, sans pour autant que l'on sache si le cadre européen de référence procure un modèle satisfaisant pour les différents acteurs (acheteurs, vendeurs, consommateurs). Par exemple : Droit Commun Européen de la Vente (DCEV-CESL) de 2011, Instruments pour les vendeurs : « opérateurs ». Acceptation (B2B) Consentement explicite du consommateur (B2C).
Il concluait en disant que d'une part, dans les projets d'unification du droit, il ne fallait pas être trop ambitieux, et que d'autre part, le congrès OHADAC donnait l'occasion d'échanges entre universitaires et praticiens, afin d'élaborer un droit contractuel qui sache répondre aux attentes de la communauté caribéenne.
À l'issue de ces exposés, un débat animé s'instaurait entre les intervenants et les congressistes.
Pour toute autre information, contactez :
Dr. Jean Alain Penda
Courriel : japenda@ohadac.com
Publié le 12/10/2015, 09h00