AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 52

Règle générale.

La loi applicable à une obligation extracontractuelle résultant d'un fait dommageable est la loi choisie par le responsable et la victime. Le choix de la loi doit être exprès ou résulter de manière évidente des circonstances de la cause.

2. À défaut de choix, la loi du pays où le dommage se produit s'applique, quel que soit le pays où le fait générateur se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels les conséquences indirectes de fait surviennent : toutefois, si la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique.

3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes précédents, la loi de cet autre pays s'applique.

337. La question de la loi applicable aux obligations extracontractuelles a fait l'objet d'un large débat et d'une confrontation entre les modèles romano-germaniques et de common law437. De ce fait, il convient d'expliquer le choix opéré par le présent article. Laissant de côté, les thèses favorables à l'application de la lex fori à la responsabilité civile extracontractuelle en général438 439, et se concentrant sur le problème de la loi applicable à la responsabilité civile résultant d'un délit, il a été considéré, que dans ce type de faits illicites, il existe un lien fort entre les aspects pénal et civil. Par conséquent, une même loi devrait s'appliquer, la loi du for, tant pour les uns que pour les autres aspects. Ce raisonnement repose sur une conception parallèle du fait illicite civil comme pénal, et fait peser de façon déterminante une culpabilisation ou un reproche moral sur l'auteur du dommage440. Pourtant, il ne peut pas être présagé, d'une façon générale, qu'il existe un total parallélisme entre l'application spéciale des règles pénales et civiles, même si celles-ci sont appliquées par la même juridiction441. Le lien qui unit l'action civile et l'action pénale est exclusivement procédural, mais en aucun cas il n'implique une modification de la nature de l'action civile et, de ce fait, ne saurait justifier l'application d'une loi distincte selon si l'action exercée au civil se fait indépendamment ou séparément de l'action pénale.

Il existe diverses conventions applicables à des faits illicites déterminés : certaines appartiennent au droit matériel uniforme et d'autres contiennent des règles de conflit bilatérales. Le paradigme dans ce domaine est la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière et la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits. Les pays de la zone OHADAC n'ont pas adhéré à ces instruments, ce qui justifie la pertinence de la mise en place d'une règle ad hoc.

338. Dans la lignée des codifications les plus avancées, en matière d'obligations extracontractuelles, il est laissé aux parties la possibilité de choisir la loi applicable. Le développement de l'autonomie conflictuelle dans ce domaine s'explique par le fait que sur le plan matériel la responsabilité extracontractuelle appartient précisément au domaine de la liberté de disposition des parties. De même, d'un point de vue juridictionnel, les parties sont libres de choisir le tribunal compétent dans ce domaine. Compte tenu du sens que recouvre l'autonomie de la volonté sur le plan matériel et de l'importance de l'autonomie conflictuelle, en tant que mécanisme visant à assurer la prévisibilité et la sécurité juridique des relations privées de droit international, il s'avère parfaitement justifié de placer la liberté de choix comme premier critère de détermination de la loi applicable.

En principe, cet article n'établit pas de limites quant au droit de choisir. Il n'impose pas que le choix porte sur la lex fori ou sur tout ordonnancement avec lequel l'obligation extracontractuelle présentera un certain lien. Par conséquent, les parties sont libres de choisir la loi de tout pays. Quant aux modalités d'expression du choix opéré, le présent article se limite à indiquer que le choix devra être exprès ou résulter, de manière évidente, des circonstances de la cause.

339. Bien qu'il s'agisse du premier critère de rattachement, il est évident que dans le domaine des obligations extracontractuelles l'importance pratique de l'autonomie conflictuelle est bien moindre qu'en matière d'obligations contractuelles. En effet, pour ces dernières, le fait qu'à l'origine de leur relation, il existe spécifiquement un accord préalable entre les parties permet que celles-ci puissent parvenir à un accord sur la loi applicable, dès le départ.

Le choix de l'autonomie conflictuelle a lieu dans le champ des obligations extracontractuelles avec certaines limites additionnelles, comme l'exclusion de certaines matières du champ de l'autonomie conflictuelle. C'est le cas de la loi applicable à la responsabilité découlant des actes de concurrence déloyale, des actes restreignant la concurrence et des infractions aux droits de la propriété intellectuelle. Il s'agit de domaine de droit dans lesquels les critères de rattachement employés, le principe des effets sur le marché et la règle lex loci protectionis, sont impératifs vu les objectifs poursuivis, les caractéristiques de l'objet régi et les intérêts publics ou collectifs en cause.

340. À défaut de choix par les parties de la loi applicable et chaque fois qu'il s'agira d'une situation non régie par une règle de droit spécifique, la loi applicable à l'obligation extracontractuelle résultant d'un fait dommageable sera déterminée en vertu des paragraphes 2 et 3 du présent article. Ses dispositions s'inspirent substantiellement de l'article 4 du règlement Rome II, qui contient les règles unifiées en la matière au sein de l'UE. Concrètement, le paragraphe 2 détermine ce qui peut être désigné comme étant « la règle générale ». Il s'agit des règles qui répondent à une orientation et une structure préalablement bien définies, dans le sens où elle se base sur la dualité entre la règle et son exception. Elle comprend trois paragraphes : le premier établit comme critère de base l'application de la lex loci damni : le deuxième introduit un traitement différencié pour les situations dans lesquelles les parties ont une résidence habituelle commune : et le troisième contient une clause d'exception, fondée sur le critère des liens les plus étroits, qui ouvre la possibilité d'appliquer une loi distincte de celle désignée aux paragraphes 1 et 2.

À défaut de résidence habituelle commune, le paragraphe 2 prévaut quand le responsable du dommage et la victime résident dans le même pays. La loi applicable est celle « du pays où le dommage se produit, quel que soit le pays où le fait générateur se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels les conséquences indirectes de fait surviennent ». Ce point de rattachement a pour objectif de déterminer précisément la loi applicable, d'une part, dans les cas où il existe une dissociation entre le lieu d'origine ou le lieu voire les lieux où survient le fait qui cause le dommage, et le lieu où se produit le dommage et, d'autre part, dans les cas dans lesquels le dommage direct s'accompagne d'autres dommages indirects ou dérivés.

341. Quant à la règle lex loci damni, le critère de la résidence habituelle commune prévaut. Il s'agit du critère de rattachement applicable quand la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage. Dans la pratique, cette règle peut faciliter surtout l'application de la loi du for dans des situations survenues à l'étranger et qui impliquent plusieurs résidents du for.

La loi du lieu du dommage ainsi que la loi de la résidence habituelle commune peuvent être remplacées par celle d'un autre pays, dès lors que seront réunies les conditions requises à l'application de la clause de correction prévue au paragraphe 3. Concrètement, il faut que, parmi les circonstances, le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays. Il s'agit d'une clause d'exception qui introduit une flexibilité fondée sur le principe de proximité. De ce fait, elle est rédigée dans la lignée du contenu du règlement Rome II et souligne le caractère exceptionnel de cette possibilité, en exigeant que les liens soient « manifestement » plus étroits, ce qui implique que ce rattachement plus fort avec un autre ordonnancement soit évident. La rédaction de la règle met en relief le caractère exceptionnel de ce mécanisme.


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