AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 45

Autonomie de la volonté.

1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. L'accord des parties sur ce choix doit être exprès ou, à défaut, ressortir de manière évidente du comportement des parties et des dispositions du contrat considérées dans leur ensemble. Ce choix peut se rapporter à la totalité du contrat ou à une partie seulement.

Le choix d'un tribunal déterminé n'entraine pas nécessairement le choix de la loi applicable.

2. À tout moment, les parties peuvent convenir que le contrat est, en tout ou partie, soumis à une loi distincte de celle qui le régissait auparavant, que ce soit en vertu d'un choix antérieur ou en vertu d'autres dispositions de la présente loi. Le changement de loi applicable ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

313. La faculté laissée aux parties au contrat international de choisir le système juridique qui régira le contrat, constitue un principe reconnu dans pratiquement tous les systèmes de DIPr, en tant qu' « autonomie conflictuelle »422. Cette notion laisse toute liberté aux parties de configurer leurs relations de droit privé et sous leur entière responsabilité. Cependant, la portée de l'autonomie conflictuelle dans les systèmes de DIPr d'Amérique latine et de la Caraïbe continue d'être un sujet polémique du fait, dans certains cas, de la prise en compte spécifique du modèle de common law sur cette question423.

La manifestation la plus patente de l'autonomie privée est la liberté contractuelle qui octroie aux parties le droit de décider par elles-mêmes si le contrat doit ou non être conclu, avec qui (liberté de conclusion des contrats), et le contenu de celui-ci (liberté de configuration). À cela s'ajoute en troisième lieu la liberté de forme, c'est-à-dire l'absence d'obligation de conclure un contrat par écrit ou sous une autre forme.

L'autonomie conflictuelle reconnait aux parties au contrat la liberté de choix de la loi. De ce fait, les parties peuvent décider par elles-mêmes à quelle loi elles vont soumettre la relation juridique établie entre elles424.

Cette liberté de choix de la loi sur le plan du droit positif est exclusivement autorisée par le droit de chaque État et ne découle pas automatiquement d'un principe de liberté personnelle, quelle que soit la forme sous laquelle ce choix est opéré. De ce fait, ce sont les règles de conflit du for, et non les parties, qui déterminent les critères de rattachement du contrat avec un ordre juridique déterminé425. Cela dit, il ne fait aucun doute que l'idée de contrat correspond au fait que ce sont les parties elles-mêmes qui décident de la manière de défendre et d'équilibrer leurs intérêts. De la sorte, l'autonomie conflictuelle n'est pas une simple prolongation de l'autonomie privée, mais elle est l'expression même de l'idée d'autonomie et de liberté placée au-dessus du droit positif426. La liberté de choix du droit trouve principalement sa justification, en premier lieu, dans un but de grande sécurité juridique, en second lieu, dans le renforcement du principe d'égalité afin que les parties au contrat puissent s'adapter au droit dans les relations transfrontières et, enfin, dans le principe de prévisibilité de l'ordre juridique applicable427.

314. L'autonomie de la volonté est également le premier critère de détermination de la loi applicable à cette matière dans la Convention interaméricaine sur le droit applicable aux contrats internationaux du 17 mars 1994, conclue à Mexico le 17 mars 1994 et dans la Cinquième conférence spécialisée interaméricaine sur le droit international privé (CIDIP-V). La Convention interaméricaine s'est inspirée de l'expérience de la Convention de Rome de 1980 dont elle s'est délibérément éloignée, pour au moins quelques-uns des aspects, à savoir en ce qui concerne la désignation de la loi applicable dans le cas où les parties n'auraient pas procédé à un choix428. Bien que la convention interaméricaine ait eu une influence bien moindre sur les législateurs des autres régions du monde que la Convention de Rome, du fait du peu d'adhésion, elle constitue toutefois une référence incontournable en Amérique.

En effet, la question du « contrat international » a été mise à l'ordre du jour de la CIDIP-IV en 1989. La Conférence a établi une série de critères fondamentaux relatifs à la loi applicable en matière de contrats internationaux. Puis, la discussion s'est centrée sur l'opportunité d'une convention « régionale » en suivant les paramètres de la Convention de Rome de 1980 ou la participation active et unitaire des pays latino-américains dans l'élaboration d'un instrument d'unification à caractère universel adopté par un organisme international ou dans d'autres initiatives comme celles posées en pratique par UNIDROIT.

Malgré ce défaut de consensus, le Comité juridique interaméricain a adopté une solution régionale et, pour limiter le point d'achoppement quant à la question sur la loi applicable, il a demandé au prestigieux juriste mexicain José Luis Siqueiros d'élaborer un avant-projet de convention interaméricaine sur la loi applicable aux contrats internationaux pour son vote en 1991. Puis le Comité juridique interaméricain, à la demande du Conseil permanent, a rédigé en 1993 un projet de Normes pour la réglementation des actes juridiques internationaux, qui s'en est suivi d'une réunion d'experts en 1993 dans la vile de Tucson, Arizona, aux États-Unis. La présence du professeur de l'Université de Californie – Davis F. Juenger a été décisive et la Convention de Mexico s'est éloignée de la Convention de Rome, dont les solutions, selon ce professeur, s'avéraient très déficientes. Selon lui, les auteurs européens, qui étaient tombés dans le piège de la mode conflictuelle contemporaine, s'étaient basés sur un principe vague (l'application du droit de l'État avec lequel le contrat a « les liens les plus étroits »), ce qui n'était pas satisfaisant. De ce fait, la balance a penché du côté du juge qui s'est vu investi de la tâche de localiser, à défaut de choix des parties, l'ordre juridique présentant le lien le plus étroit avec le contrat, afin de trancher, au cas par cas, la question relative à la loi applicable. Il en a résulté un nouveau projet de convention sur le droit applicable en matière de contrat international qui a été soumis, comme document de travail principal, aux délibérations de la CIDIP-V et a donné lieu à la Convention de Mexico de 1994. Toutefois, le succès de la Convention réside dans le faible nombre d'adhésion des États ayant participé à son élaboration. Il est indéniable que la Convention a eu davantage de succès dans les forums académiques. En effet, seuls cinq États (Bolivie, Brésil, Mexique, Uruguay et Venezuela) l'ont signé et deux seulement l'ont ratifié (Mexique et Venezuela). Aussi, le texte n'est-il entré en vigueur que dans deux pays (pour l'entrée en vigueur, il n'était requis que deux ratifications).

315. Le présent article reprend les articles 7 et 8 de la Convention de Mexico. Le choix de la loi applicable par les parties est un instrument qui apporte à la fois sécurité et prévisibilité. Cela permet de prendre en compte les intérêts des parties, par exemple, en leur donnant la possibilité de choisir le système juridique qu'elles considèrent le plus apte pour le contenu de leur contrat, soit pour sa neutralité soit pour permettre d'unifier le régime de contrats différents. Le principe de l'autonomie de la volonté dans la désignation de la loi du contrat – autonomie conflictuelle – est visé par le paragraphe un de l'article 45 de la présente loi type. Cette règle, dans la lignée également du règlement Rome I, établit un régime de conditions très libéral quant à l'exercice de l'autonomie conflictuelle. Ainsi, il permet que le choix s'opère tant de façon expresse que tacite. Les indices significatifs pour déterminer un éventuel choix tacite sont – et ils devront être évalués à la lumière d'un ensemble de circonstances – des références répétées à des dispositions propres à un seul ordre juridique et insérées dans le contrat ainsi que, en cas de litige, la demande et la contestation fondées exclusivement sur le droit d'un pays déterminé. Enfin, le choix de la loi du contrat par les parties peut avoir lieu à tout moment. La simple clause attributive de juridiction prévue dans le contrat en cas de litige n'implique pas, en soi, un choix tacite de la loi de ce pays même s'il s'agit bien d'un des facteurs pouvant être pris en compte à l'heure de déterminer si le choix de la loi applicable ressort clairement des termes du contrat. Par ailleurs, l'article 45 n'impose pas que l'ordre juridique choisi présente un lien avec la relation juridique établie par le contrat.

316. Quant au moment du choix de la loi applicable, l'article 45 prévoit la possibilité pour les parties de choisir le droit applicable avant ou après la conclusion du contrat et de modifier l'ordonnancement qu'elles auront choisi. En tout cas, la modification de la loi applicable ne peut pas affecter les droits des tiers.

Par ailleurs, l'article 45 permet aux parties d'opérer un choix partiel de la loi applicable, en effet, la loi choisie peut régir « la totalité ou seulement une partie » du contrat. Pour que le choix partiel soit possible, il doit se référer à une partie du contrat dissociable du reste.


Fatal error: Uncaught Error: Undefined constant "Intl_commentary" in /var/www/vhosts/ohadac.com/httpdocs/includes/textes.php:88 Stack trace: #0 /var/www/vhosts/ohadac.com/httpdocs/index.php(21): include() #1 {main} thrown in /var/www/vhosts/ohadac.com/httpdocs/includes/textes.php on line 88