AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 41

Succession à cause de mort.

1 La succession à cause de mort est régie par la loi du domicile du défunt au temps de son décès. Sans préjudice des disposions des paragraphes suivants, cette loi s'applique à l'ensemble de la succession, sans considération de la nature ni du lieu de situation des biens.

2. Le testateur peut choisir de soumettre la totalité de sa succession à la loi de son domicile ou à la loi de sa nationalité au moment du choix. Le choix devra s'effectuer de manière expresse dans les formes des dispositions à cause de mort ou pourra résulter de manière certaine des termes d'une disposition de ce type.

3. Les testaments établis en conformité de la loi du domicile au jour de leur rédaction conservent leur validité quelle que soit la loi gouvernant la succession. Dans tous les cas, la réserve, la légitime et les droits de nature analogue dont peuvent être bénéficiaires le conjoint ou les enfants du défunt se règleront, le cas échéant, sur la loi que les paragraphes 1 et 2 du présent article déclarent applicable à la succession.

4. Les pactes successoraux concernant une seule succession et conclus en conformité de la loi du domicile du défunt au jour de leur conclusion conservent leur validité même si une autre loi s'avère applicable à la succession. Les pactes successoraux concernant plus d'une succession sont régis par la loi du domicile de l'un de leurs auteurs choisie par tous : à défaut de choix, par la loi du domicile commun des auteurs au moment de la conclusion du pacte : à défaut de domicile commun, par la loi nationale commune et, à défaut de celle-ci, par la loi avec laquelle le pacte présente les liens les plus étroits compte tenu de l'ensemble des circonstances.

Dans tous les cas, la réserve, la légitime et les droits de nature analogue dont peuvent être bénéficiaires le conjoint ou les enfants du défunt se règleront, le cas échéant, sur la loi que les paragraphes 1 et 2 du présent article déclarent applicable à la succession.

5. Le partage de la succession est régi par la loi applicable à la succession à moins que les successibles ne désignent d'un commun accord la loi du lieu d'ouverture de la succession ou celle du lieu de situation de la majeure partie des biens héréditaires.

300. L'article 41 traite de la loi applicable au fond de la succession mortis causa. La complexité de cette matière repose depuis toujours sur les grands modèles qui divisent le droit comparé entre celui qui défend une solution unitaire pour toute la succession (modèle moniste ou d'unité) et celui qui défend une solution différente pour la succession mobilière et immobilière (modèle dualiste ou scissionniste)398 399. La solution unitaire pose une alternative entre la loi nationale du défunt et la loi de son domicile ou de sa résidence habituelle située dans le temps au moment de sa mort. Le modèle dualiste applique habituellement la lex rei sitae à la succession immobilière et une loi personnelle, normalement la loi du dernier domicile du défunt, à la succession mobilière (v.gr., France, Belgique ou Royaume-Uni). Cette deuxième option repose sur l'acceptation éventuelle de plusieurs masses héréditaires soumises à divers systèmes. Elle résulte, en définitive, du fractionnement d'une succession unique. Il faut préciser, en outre, qu'aucun des deux grands systèmes ou modèles n'opte pour un choix matériel ou substantiel dans la sélection de la loi. Les règles de conflit, sur lesquelles ils se fondent, sont neutres. La loi du lieu de situation de l'immeuble détermine le régime successoral de celui-ci, quel qu'il soit, et il en est de même de la loi du dernier domicile du défunt ou de la loi nationale du défunt au moment du décès. Autrement dit, la matérialisation de la règle de conflit n'est pas une nécessité en matière d'identification de la loi qui régit la succession internationale. La détermination de la loi applicable à la succession à cause de mort n'est pas animée par la recherche de la loi qui concèdera plus de droit au conjoint survivant ou aux enfants ou qui concèdera plus de liberté aux dispositions du défunt ou qui la restreindra fortement au profit des héritiers réservataires, etc. Toutes ces questions substantielles ou matérielles, ou toutes autres de nature identique ont été écartées de la règle de conflit qui désigne la loi applicable à la succession.

301. Ce panorama est reflété dans l'article 41 qui, d'un côté, opte pour un modèle d'unité dans la réglementation de la succession mortis causa et, d'un autre, assure la continuité en n'optant pas pour une orientation matérielle ou substantielle dans la désignation de la loi applicable. En outre, par la solution moniste ou unitaire, la présente loi opte pour le critère déterminant du rattachement lié au dernier domicile du défunt. Il s'agit de disposition moderne et complète qui n'a pas son pareil en droit comparé de la Caraïbe.

Le choix d'une unique loi pour régir toute la succession, comme le prévoit l'article 41.1, règle deuxième, présente certains avantages quant au choix d'un modèle de fractionnement. L'avantage le plus évident est la possibilité laissée au défunt de planifier facilement sa succession sous l'égide d'une loi unique, sans avoir à réaliser de décompte, un travail parfois très complexe, ni d'adaptation à toutes les lois en présence (nous pensons notamment au propriétaire de biens immeubles répartis dans divers pays), ce qui, en soi, suppose de prendre en compte les différentes limites posées à sa liberté de tester, aux diverses causes d'exhérédation, etc. Le choix pour un modèle unitaire est, également, celui qui figure ces derniers temps dans la codification internationale de DIPr et correspond à la solution retenue en Europe400. Le travail mené par la Conférence de La Haye est tout particulièrement significatif car, alors que siègent en son sein des délégués de pays de cultures juridiques très différentes qui ont opté, pour nombre d'entre eux, pour un système dualiste ou de scission dans la loi applicable aux successions, il a été rapidement et sans problème convenu d'opter pour une solution unitaire401.

Pour le modèle moniste ou unitaire – principe d'unité et d'universalité de la succession – la loi idoine est celle du dernier domicile du défunt. C'est également la loi retenue par les deux instruments internationaux les plus complets et modernes relatifs à la matière402. Cela s'explique par le fait que le domicile est précisément le centre de vie du défunt et le centre de ses intérêts patrimoniaux, à savoir l'endroit où il détient la majeure partie de son patrimoine, ce qui est encore plus important.

Bien entendu, la réalité n'est pas toujours ainsi, et l'article 41.2 introduit un autre élément de modernisation de la loi applicable aux successions mortis causa : celle qui est dénommée professio iuris qui consiste en la possibilité pour le défunt de choisir la loi applicable à l'ensemble de sa succession403. Cette possibilité de choix s'explique, en premier lieu, par l'importance prise par l'autonomie de la volonté en matière successorale. L'idée que la volonté du défunt, manifestée par testament ou pacte successorale, est la loi de la succession reste largement répandue tant dans les systèmes de civil law que les systèmes de common law. La règle ne fait que projeter l'importance de l'autonomie de la volonté au-delà de la simple autonomie autorégulatrice et l'amène à être une véritable « autonomie conflictuelle », comme cela est repris dans la présente loi pour résoudre les questions relatives aux personnes et aux familles404. Toutefois, la possibilité de soumettre à une loi déterminée sa succession ne peut pas être totalement libre. Les lois susceptibles d'être retenues doivent présenter un lien suffisant avec le défunt, ce qui est le cas de la loi du domicile ou de celle de la nationalité au moment du choix. La délimitation des lois applicables offre au défunt un éventail de choix suffisamment attractif lui permettant d'organiser sa succession de manière cohérente en vertu d'une loi qui est proche de lui et, surtout, prévisible. Cela élimine toute incertitude relative à son domicile au moment du décès et assure l'efficacité de sa volonté (dans les limites permises par la loi choisie et ses modifications ultérieures) audelà de sa mort. Si le défunt possède plusieurs nationalités, il pourra soumettre sa succession à l'une quelconque des lois des nationalités qu'il détenait au moment de son choix. En outre et dans le même esprit de l'autonomie conflictuelle unilatérale, le présent article dispose que la professio iuris au profit d'une loi pourra être révoquée à tout moment (la loi successorale sera, bien sûr, celle de son dernier domicile) ou changée par une autre. Par exemple, le défunt peut soumettre sa succession à la loi de son domicile actuel et, postérieurement, décider de la soumettre à la loi de sa nationalité.

La professio iuris peut être soit expresse, soit tacite, ce qui constitue un élément important de l'institution. Évidemment le choix exprès doit être conseillé afin d'éliminer tout conflit quant à la loi applicable. Toutefois, il ne faut pas méconnaitre qu'à de nombreuses occasions, le défunt a la claire intention de soumettre sa succession à une loi déterminée, dont les institutions typiques, et même les dispositions concrètes, sont citées voire reproduites dans son testament. Si ces dispositions se rattachent sans aucun doute à l'une des lois éventuellement éligibles, il faudra considérer qu'il y a eu choix de la loi successorale. Un choix qui, en tout cas, doit tant dans sa première version que dans les suivantes (en cas de révocation ou de modification) revêtir la forme de disposition mortis causa405.

302. Le troisième paragraphe de l'article 41 introduit une règle spéciale pour les cas d'anticipation successorale au travers d'un testament. Il répond à la situation, qui n'a pas lieu d'être fréquente, selon laquelle le testament établi sous le régime de la loi du domicile « actuel » se trouve finalement ne pas être le dernier domicile du défunt dont la loi sera celle de la succession. Ce conflit mobile peut déboucher sur l'inefficacité totale des testaments qui ne prendraient pas en compte la loi de la succession, simplement parce que le testateur la méconnaissait. L'article 41.3 tente de préserver, dans la mesure du possible, la planification successorale effectuée en vertu de la loi du domicile en en conservant la validité dans les limites de la réserve héréditaire ou des autres droits de nature analogues pouvant revenir aux conjoint et enfants. Ces droits seront définis par la loi qui régit la succession, la loi du domicile du défunt au moment du décès ou la loi choisie en vertu de l'article 41.2. Bien entendu, dans ce second cas, il est logique que le testament soit établi conformément à la loi choisie et le problème, que tente de régler le paragraphe en question, ne se pose même pas. Par conséquent, l'une des grandes vertus que présente la professio iuris consiste, précisément, à éviter cet éventuel changement de loi applicable.

Dans tous les cas, dès lors que se produira la situation prévue à l'article 41.3 de la présente loi, le testament établi conformément à une loi présentant un lien étroit, la loi du domicile « actuel » du défunt, conservera toute sa validité mais sera susceptible d'être corrigé par la réserve héréditaire seulement pour ce qui concerne les enfants et le conjoint et non pour les éventuels autres héritiers réservataires plus éloignés. Il s'agit, une fois de plus, d'une contrainte posée à la volonté du défunt qui, finalement, permet d'éviter qu'un changement de loi comme celui prévu par la présente disposition, ne limite trop la liberté du défunt. En effet, il ne faut pas perdre de vue que le défunt a déjà respecté la réserve héréditaire prévue par la loi de son domicile au moment où il a établi son testament et, de ce fait, il ne semble pas opportun de le soumettre à un « deuxième filtre ».

303. Les pactes successoraux présentent une complexité similaire dans la présente loi tout comme dans les autres législations qui les reconnaissent. Les pactes successoraux, qui ne concernent qu'une seule succession, optent pour une solution similaire à celle prévue pour les testaments. Les pactes conservent leur validité dès lors qu'ils s'ajustent à la loi du domicile du défunt au moment de l'établissement du pacte (v.gr., un pacte entre un parent et un enfant par lequel le second renonce à ses droits héréditaires en échange d'un bénéfice présent). Le cas des pactes qui concernent plusieurs successions (v.gr., un pacte établi entre deux conjoints qui se désignent réciproquement comme héritiers) s'avère plus complexe. Si le pacte successoral doit être régi par une seule loi, il convient de choisir parmi les lois potentielles en présence. De nouveau, la présente loi opte, avant tout, pour laisser les intéressés choisir parmi les différentes lois de leur domicile, au cas où ils n'auraient pas le même domicile commun. À défaut, ce sera précisément la loi du domicile commun qui régira la validité et le régime juridique du pacte (celle-ci étant dans la majorité des cas la loi applicable). À défaut de domicile commun, l'autre loi personnelle entre en ligne de compte à savoir la nationalité commune. Compte tenu de la configuration des pactes successoraux et vu qu'ils sont souvent établis entre des personnes appartenant à la même famille, il n'est pas rare que le pacte soit soumis à la loi de la nationalité (v.gr., les parents et les enfants titulaires de la même nationalité mais domiciliés dans des pays différents). Enfin, si la situation est très éparpillée dans l'espace – et que les parties au pacte n'ont pas pris soin de choisir la loi applicable – ce sera la loi qui présentera le rattachement le plus étroit avec le pacte (et non avec les parties, même si ceux-ci revêtent leur importance) qui s'appliquera.

Il convient de prendre en compte deux aspects importants : en premier lieu, la loi applicable à la validité et au régime juridique du pacte successoral peut être différente de la loi successorale. Et ce sera cette dernière, à l'instar des testaments, qui déterminera la portée des réserves héréditaires du conjoint et des enfants. En second lieu, du fait de cette éventuelle dissociation entre loi applicable au pacte successoral et loi successorale, il faut préciser que l'autonomie de la volonté qui permet aux parties au pacte de choisir la loi du domicile de l'un quelconque d'entre eux ne peut pas être confondue avec la professio iuris qui figure à l'article 41.2 de la présente loi. Cette dernière est unilatérale, essentiellement modifiable par la volonté du défunt et détermine la loi de la succession. L'autre est bilatérale, non modifiable par la seule volonté de l'une des parties au pacte et limitée à la validité du pacte et non pas à celle de la loi successorale. Cela n'empêche pas que, dans une succession bien planifiée, la loi applicable au pacte et la loi successorale puisse coïncider par le biais de la combinaison des possibilités prévues par les paragraphes 2 et 4 de l'article 41.

304. L'article 41 s'achève par une nouvelle règle qui assouplit la solution classique d'application de la loi successorale pour les opérations de partage. Cette solution recourt cette fois non pas à l'autonomie de la volonté du défunt, mais à celle des personnes concernées par la succession : celles qui ont tout type de vocation successorale, au titre ou non d'un testament ou d'un pacte. Celles-ci pourront procéder au partage conformément à la loi successorale (loi du dernier domicile du défunt ou la loi choisie par lui par l'exercice de la professio iuris) ou en vertu de la loi qu'elles décideront de choisir entre la loi du lieu d'ouverture de la succession ou celle du lieu de situation de la majeure partie des biens héréditaires.

305. Par ailleurs, il convient de signaler que la loi successorale sera applicable aux causes, moment et lieu de l'ouverture de la succession : à la détermination des héritiers, légataires ou autres bénéficiaires, à leur quote-part respective et aux obligations que le défunt aura pu leur imposer, ainsi qu'à la désignation de tout autre droit successoral, y inclus les droits successoraux du conjoint ou du partenaire survivant : à la capacité à succéder : les causes d'exhérédation et d'indignité successorale : la transmission aux héritiers et, le cas échéant, aux légataires des biens, droits et obligations faisant partie de la succession, y compris les conditions et les effets de son acception ou de sa renonciation : les pouvoirs des héritiers, des exécuteurs testamentaires et autres administrateurs de la succession : la responsabilité pour les dettes et les charges de la succession : la quotité disponible, la réserve héréditaire et les autres restrictions à la liberté de disposition mortis causa, ainsi que les réclamations que les proches du défunt seront susceptibles d'émettre à l'encontre de la succession ou des héritiers ou bien de tous autres bénéficiaires : l'obligation de réintégrer, de décompter ou de collationner les donations ou les libéralités consenties durant la vie du défunt : et le partage de l'héritage en tenant compte des dispositions du dernier paragraphe de l'article.


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