AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 38

Responsabilité parentale et protection des mineurs.

1. La responsabilité parentale ou toute institution analogue est régie par la loi de la résidence habituelle de l'enfant.

2. Les mesures de protection de la personne ou des biens du mineur sont déterminées par la loi de la Caraïbe. Toutefois, l'autorité compétente pourra appliquer la loi de la résidence habituelle si elle est plus favorable à l'intérêt supérieur de l'enfant.

3. Les mesures conservatoires et urgentes concernant la personne ou les biens du mineur incapable seront prises à titre provisoire en application de la loi caribéenne.

4. Les lois désignées aux paragraphes précédents sont mises en œuvre en prenant impérativement en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.

286. La présente disposition rassemble les solutions relatives à la loi applicable à la responsabilité parentale, et autres institutions analogues, ainsi qu'à la loi applicable aux autres mesures de protection de l'enfant, qu'il s'agisse de mesures présentant un certain de degré de permanence, ou de mesures adoptées pour répondre à une situation d'urgence ou provisoire381. Le présent article a pour fondement philosophique, l'intérêt supérieur de l'enfant qui permet, d'une manière spécifique, d'écarter la loi caribéenne, applicable en premier lieu à l'adoption de mesures de protection (paragraphe 1) et, d'une manière générale, d'appliquer l'une quelconque des lois susceptibles d'être applicables (paragraphe 4).

Le passage de la protection de l'enfant d'un point de vue familial à la protection de l'enfant dans la sphère publique fait que, dans des institutions classiques comme l'autorité parentale382 ancrées dans une vision essentiellement familiale - quand elle n'est pas uniquement paternelle - entre parents et enfants, l'on sorte de la sphère familiale pour se centrer spécifiquement sur la protection des mineurs. Cela a pour conséquence de considérer différemment la loi applicable. L'approche la plus efficace d'un point de vue de la tutelle des intérêts du mineur, est de s'en remettre à l'application de la loi de l'autorité saisie. Celle-ci s'adapte bien à la reconnaissance d'une relation qui s'établit ex lege, comme c'est le cas de l'autorité parentale et des autres institutions analogues et qui sera définie par la loi de la résidence habituelle de l'enfant. L'ajustement de ces deux règles reflète l'ajustement entre les deux dimensions, privée et publique, relatives à la protection des mineurs. Bien que cela puisse soulever quelques interrogations quant à la délimitation de leur champ respectif d'application, cette solution a été éprouvée dans la codification internationale de droit international privé, tant dans la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, sur la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs383 et dans la convention de La Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (conclue le 19 octobre 1996), qu'entre les États de l'OHADAC, y inclus la République Dominicaine384.

287. L'article 38.1 se réfère à l'existence de l'autorité parentale ou de toute institution équivalente (responsabilité parentale...), aux relations qui la composent, ainsi qu'à l'attribution, au contenu et à l'extinction de celle-ci, sans qu'aucune autorité n'intervienne. La loi de la résidence habituelle de l'enfant déterminera si l'autorité parentale reviendra à l'un de ses géniteurs ou aux deux, ainsi que les droits et les obligations qui en découleront et dans quelles situations l'autorité parentale prendra fin sans décision d'une autorité (v.gr., du fait que l'enfant atteint l'âge de la majorité, du fait qu'il contracte mariage, du fait qu'il est émancipé, etc.). Il convient de préciser que même si l'article reste silencieux sur le changement de la résidence habituelle, celui-ci ne devrait pas, en soi, remettre en cause l'autorité parentale reconnue en application de la loi de la résidence habituelle qui précédait le changement. Ainsi, celui qui se verra attribuer l'autorité parentale, conformément à la loi de la résidence habituelle de l'enfant, la conservera au regard de la loi de la nouvelle résidence habituelle, même si cette dernière ne la lui aurait pas attribuée. Cela découle du principe de stabilité et de conservation de l'état civil qui s'avère spécifiquement important dans les relations entre parents et enfants mineurs. De la sorte, si la loi de la résidence habituelle de l'enfant prévoit que le père et la mère possèdent l'autorité parentale, indépendamment du fait qu'ils soient ou non mariés, alors que la loi de la nouvelle résidence habituelle l'attribue seulement à la mère, dans ce cas, il en résulte que le père conservera tout de même l'autorité parentale qui lui avait été reconnue par la loi précédemment applicable.

Par contre, la nouvelle loi pourra attribuer l'autorité parentale à celui à qui la précédente loi applicable ne l'avait pas reconnue, à condition que cela soit compatible avec l'autorité parentale déjà reconnue. De la sorte, en inversant l'exemple précédent, si la loi de la (précédente) résidence habituelle attribue l'autorité parentale spécifiquement à la mère, mais que la loi de la nouvelle résidence l'attribue aux père et mère, cette dernière sera également efficace. Cette règle de la conservation de l'autorité parentale acquise, jointe à une éventuelle nouvelle attribution au profit d'une autre personne, présente des limites inhérentes à l'exercice même de l'autorité parentale dans les cas d'attribution multiple. Par exemple, l'autorité parentale est attribuée par la loi de la résidence habituelle à la fois au père et à la mère non mariés et la nouvelle loi de la résidence habituelle de l'enfant l'attribue au mari de la mère (qui n'est, bien sûr, pas le père). Dans ce cas, trois personnes se voient reconnaitre en même temps l'autorité parentale, ce qui peut s'avérer problématique et nécessiter que des mesures d'adaptation ou d'ajustement soient adoptées entre les deux lois. En tout cas, si le conflit d'intérêt s'avérait être important, cette situation serait régie très probablement par le paragraphe 2 du présent article, en vertu duquel l'autorité compétente de la Caraïbe appliquera sa propre loi pour retenir la solution la plus favorable à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Évidemment, ces deux exemples ne tiennent pas compte de l'exception d'ordre public si, par exemple, l'attribution de l'autorité parentale à l'un des deux géniteurs s'avérait contraire au principe d'égalité entre eux, face à la loi qui opte pour l'intérêt supérieur de l'enfant, ou si tout simplement la reconnaissance de l'autorité parentale à trois personnes ou plus, est contraire à l'ordre public.

288. Alors que l'attribution de l'autorité parentale est déterminée par la loi de la résidence habituelle « actuelle » de l'enfant et persiste face au changement de résidence habituelle, il en résulte que son contenu, l'exercice des droits et des prérogatives ainsi que des obligations y afférents, seront régis dans tous les cas par la loi de la nouvelle résidence habituelle. De ce fait, même si l'autorité parentale est reconnue en application de la loi de la résidence habituelle précédente de l'enfant, les titulaires de l'autorité n'auront pas à solliciter l'autorisation du juge pour effectuer certain actes en lien avec l'enfant, sauf si la loi nouvelle loi (actuelle) de résidence habituelle en dispose ainsi.

Dans les cas d'adoption de mesures de protection par une autorité publique, la loi de la résidence habituelle de l'enfant s'effacera au profit de la loi du for, à savoir la loi de l'autorité saisie. Prévoir une loi spécifique dans un for spécifique est inhérent à l'activité des autorités en matière de protection des mineurs car, à côté des règles juridiques, l'idée même de l'intérêt supérieur de l'enfant joue un rôle capital. Toutefois, la présente loi ne considère pas que cette règle doive s'appliquer au sens strict. La considération même de l'intérêt de l'enfant/mineur peut conduire l'autorité à décider, pour des circonstances propres à l'espèce, d'appliquer la loi de la résidence habituelle de l'enfant, alors que celle-ci ne coïncide pas avec la lex fori. Cette clause d'exception basée sur des critères substantiels peut s'appliquer à tous les cas d'attribution de la garde, de l'établissement des droits de visite ou même de la suppression de l'autorité parentale à l'un ou aux deux titulaires.

Dans le cas de l'adoption de mesures provisoires de protection et d'urgence quant à la personne du mineur incapable ou de ses biens, la règle lex fori in foro propio n'admet aucune exception : la loi du for sera applicable dans tous les cas.

289. L'article 38 s'achève par une disposition essentiellement didactique quant à la nécessité de prendre en compte, dans tous les cas, l'intérêt supérieur du mineur, tel que l'article 3 de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 le mentionne.

Il convient de rappeler que la loi désignée comme applicable, au regard du présent article, doit prendre en compte spécifiquement les dispositions des autres lois susceptibles d'intervenir fréquemment en matière d'adoption de mesures relatives aux enfants comme, déjà vu, à savoir la loi gouvernant les crises matrimoniales quelle qu'elle soit385. Les mesures en matière de protection de la personne et des biens de l'enfant mineur seront adoptées conformément à la loi de la Caraïbe, sauf s'il existe une raison particulière d'appliquer la loi de la résidence habituelle. Par contre, les autres règles prévues par la présente loi seront considérées comme des règles spéciales, ce sera le cas de la loi qui régit la loi applicable aux obligations alimentaires (article 40) ou la loi applicable au nom du mineur (article 25).

290. À signaler également que cette disposition ne rend absolument pas inopérant le champ d'application des instruments importants de coopération dans ce domaine, comme par exemple, la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, du 25 octobre 1980 qui s'applique à une douzaine de pays de l'OHADAC386. Cette convention, qui est capitale pour la lutte contre le déplacement illicite à travers les frontières, présente un contenu essentiellement coopératif qui ne préjuge ni de la compétence judiciaire internationale, ni de la loi applicable, et ces points relèvent du droit international privé. En outre, il faut souligner que les solutions retenues par la présente loi s'adaptent spécifiquement à celles prévues par la Convention. Par exemple, la Convention laisse à la loi de la résidence qui précède immédiatement le déplacement, le soin de déterminer s'il existe un droit de garde sur l'enfant mineur reconnu spécifiquement ou conjointement aux deux géniteurs ou à une autorité compétente.


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