AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 29

Formation du mariage.

1. La capacité de contracter mariage est régie par le droit du domicile de chacun des futurs époux.

2. Les conditions de fond et de forme du mariage sont régies par la loi caribéenne.

3. Est réputé valable le mariage célébré à l'étranger conformément à la loi du lieu de célébration ou reconnu valable par la loi du domicile ou de la nationalité de l'un ou de l'autre époux.

248. L'article 29 de la loi type résume, en trois règles simples et faciles d'application, l'inextricable question de la validité du mariage en distinguant le régime juridique du mariage célébré dans la Caraïbe et celui célébré à l'étranger335. Dans le premier cas, outre le problème de compétence des autorités de la Caraïbe pour autoriser un mariage, se pose le problème de la loi applicable aux divers éléments qui entourent la célébration et la validité du mariage. Il s'agit principalement de la capacité pour contracter, de la forme de la manifestation du consentement au mariage et de ce que l'on pourrait dénommer la loi applicable au fond du mariage. Dans le second cas, la règle se pose non pas comme une règle relative à la loi applicable mais comme une règle qui établit les conditions de sa reconnaissance. Ce schéma répond à une vision moderne du mariage en droit international privé qui distingue le mariage national et le mariage étranger, selon le type d'autorité qui le célèbre (nationale ou étrangère) et, par conséquent, il établit aussi un régime juridique distinct pour chacun d'eux. Comme cela a déjà été indiqué, le premier pose des problèmes de loi applicable alors que le deuxième pose des problèmes de reconnaissance336. La reconnaissance de la validité d'un mariage revêt une importance qui va au-delà de simples considérations de droit privé car si le mariage est une institution qui génère des effets pour nombre de questions (le nom, le secours, les droits de successions), elle constitue une institution importante dans la configuration de la population même de la Caraïbe. Le lien entre le mariage et l'obtention de la nationalité de la Caraïbe est fondamental dans certains systèmes337.

249. Par conséquent, en application des dispositions de l'article 23 de la présente loi, la capacité pour contracter mariage relève de la loi du domicile de chacun des futurs époux. Il s'agit donc d'une solution qui s'articule de façon distributive puisque la loi du domicile de chacun des futurs époux détermine la capacité spécifique de chacun d'eux. Evidemment, la solution relative à la validité du mariage pour des raisons de capacité des futurs époux impose que, dans chaque pays, la capacité soit reconnue respectivement à chacun d'eux. Il suffit que la loi du domicile ne reconnaisse pas la capacité à l'un quelconque des futurs époux pour que le mariage célébré soit entaché d'un degré d'inefficacité338.

La loi du domicile régit, d'une part, les règles strictes de la capacité concernant, par exemple, l'âge minimum pour contracter mariage339 ou les cas où la capacité effective pour prêter un consentement véritable et éclairé fait défaut, même si l'âge minimum est atteint (en cas de déficiences ou d'anomalies psychiatriques qui, nonobstant, feront l'objet d'une appréciation davantage factuelle que juridique). D'autre part, la loi du domicile régit les empêchements à mariage fondés sur des circonstances personnelles ou familiales comme l'impossibilité de contracter mariage entre personnes de la même famille jusqu'à un certain degré de parenté. Là encore, cette application distributive peut conduire à faire échec au mariage dans les cas où l'empêchement sera de type bilatéral (il s'articule en fonction de la relation avec l'autre futur époux) et dans le cas où l'une des deux lois le prévoit. Par conséquent, v.gr., si la loi de l'un des conjoints considère qu'il existe un empêchement lorsque le lien de parenté collatéral est du troisième degré (tante et neveux), il faudra en conclure que l'autorisation du mariage ne pourra être donnée même si la loi du domicile de l'autre conjoint ne le considère pas comme un obstacle.

Il revient également à cette loi de déterminer les circonstances et les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux empêchements ainsi que les modalités et l'autorité compétente pour considérer que la capacité existe alors qu'elle ferait défaut. Cette situation n'est pas sans poser problème dès lors que la loi du domicile désigne une autorité spécifique compétente pour statuer sur les demandes de dérogation. Selon les cas concrets, la dérogation pourra être accordée par une autorité équivalente à l'autorité caribéenne (le for) et dans d'autres cas, ce seront les futurs époux qui devront l'obtenir auprès des autorités étrangères compétentes. Il faut retenir que les nombreux cas théoriques d'empêchements à mariage font partie intégrante du propre concept ou de la notion même de mariage tel qu'il est conçu dans la Caraïbe (le for). Cela pourra être le cas du sexe ou, dans une moindre mesure, du traditionnel empêchement pour les liens de parenté.

Effectivement, il s'avère indiscutable que le sexe des futurs époux est une question qui doit être régie par la loi du domicile de chaque personne à l'instar des empêchements bilatéraux dont il a été question plus haut. L'ouverture progressive des différents ordres juridiques, tendant à accepter le mariage de personnes de même sexe, a conduit à ce que seuls les pays qui le reconnaissent sur leur territoire (ou leurs consulats, le cas échéant) acceptent de le célébrer sur leur territoire. Dans la pratique, le mariage entre deux hommes ou deux femmes ne pourra pas être demandé auprès d'une autorité caribéenne, si la loi caribéenne ne prévoit pas ce type de mariage. Deux personnes domiciliées en Argentine, en Uruguay ou en Espagne pourront, si elles le veulent, ramener cette condition à une question de capacité. Dans certains cas, il est probable que l'ordre public de la Caraïbe entre en jeu340, même s'il n'est pas nécessaire d'y recourir. La question du sexe des futurs époux fait partie intégrante du concept du mariage et de son contenu dans le droit du for. Sous cette perspective, elle entre dans le cadre du paragraphe deux de l'article 29 et déroge également aux dispositions de l'article 23 relatif à la loi applicable à l'état civil, puisque même si la question de la capacité est exclue de sa qualification, elle demeure néanmoins une question d'état civil. Dans tous les cas, il faut tenir compte du fait que la célébration de ce type de mariage pourrait devenir une pratique dans la Caraïbe si, progressivement, chaque État de la Caraïbe le reconnait, ce qui existe déjà aujourd'hui au regard des principes de « concordance » et de « reconnaissance » dans les ordres ayant un patrimoine juridique néerlandais341 ou du principe d'« identité ou d'assimilation législative » dans les pays ayant un patrimoine juridique français342.

250. Le paragraphe deux, dont il est question, régit les conditions de fond et de forme d'un mariage célébré dans la Caraïbe et, à nouveau, une réponse simple et totalement cohérente avec la nature des choses est apportée. Les autorités de la Caraïbe ne pourront pas célébrer un mariage qui ne serait pas caribéen, par conséquent les questions de forme comme celles de fond sont soumises à la loi de la Caraïbe (loi du for).

Le premier aspect relatif aux modes d'expression du consentement au mariage, ne fait aucun doute du point du vue du mariage qui va être contracté : la règle consolidée auctor regit actum prévoit que chaque autorité dispose de son propre droit au regard des formalités exigées ou à accomplir et qui sont nécessaires à la cérémonie. Il n'est pas concevable que l'un des futurs époux célèbre son mariage dans un office notarial spécial du ministère de la justice cubain, ou par-devant un juge ou un notaire de la chambre des notaires en Colombie en appliquant les conditions de forme provenant d'un ordre juridique étranger autre que le cubain pour le premier cas ou que le colombien pour le second. Les formalités et les modalités devront être celles de la Caraïbe.

La règle de soumission à la loi locale est moins absolue pour ce qui concerne les règles de fond du mariage. Même si d'autres solutions auraient pu être envisagées, la solution retenue dans le paragraphe deux de l'article 29 est la plus adéquate. D'un côté, le « type de mariage » qu'une autorité célèbre relève de son autorité. En tenant compte de l'évolution, depuis ces dernières années en droit comparé, du concept de la famille et du concept du mariage – qui est l'une des formes possibles d'organisation de la famille – il n'est plus possible de dire, comme auparavant, que le mariage est une institution universelle qui signifie substantiellement la même chose partout dans le monde343. Le mariage célébré dans la Caraïbe est le mariage caribéen et, de ce fait, les conditions de fond sont celles établies par la législation caribéenne. La présente règle s'écarte ainsi d'autres règles qui considèrent que les conditions de fond du mariage peuvent potentiellement être soumises à des lois différentes que celles du for, mais coïncide avec d'autres qui adoptent la même solution344.

Parmi ces conditions de fond, il convient particulièrement de signaler celle relative au sexe des futurs époux, dont il a été traité, et au contenu du consentement. Ce deuxième point est de grande importance car il a été considéré, relativement souvent et traditionnellement, comme étant rattaché indissociablement à la loi personnelle de chacun des futurs époux345. Sur le plan strictement logique, le consentement au mariage en tant que condition inhérente au mariage ne peut qu'être unique. Cela signifie que les futurs époux donnent, ni plus ni moins, leur accord pour former une union soumise à des règles qui vont régir le lien conjugal. Et ces règles ne peuvent qu'être uniques et non plurielles. Ce serait illogique de concevoir que le consentement au mariage puisse être prêté de façon asymétrique et selon laquelle l'un des futurs époux pourrait consentir quelque chose de différent que l'autre parce que le consentement obéirait à leur loi personnelle respective. Cela ne serait pas possible. Cela conduirait à une espèce de résidu traditionnel de la force d'expansion de la loi personnelle et serait non fondé. Ainsi, le consentement au mariage est univoque et respectera la loi de la Caraïbe sur le mariage.

251. La règle s'étend aux éventuels vices de consentement et au problème le plus commun du mariage simulé. Dans les mariages simulés, la volonté des futurs époux ne correspond pas au consentement prêté pour le mariage. Les raisons sont multiples, mais celle qui est la plus fréquente consiste en une fraude afin d'acquérir la nationalité ou en vue d'enfreindre les règles sur le statut d'étranger d'une personne. Le contrôle de ce type de situations est éminemment factuel et, dans de nombreux cas, il échappe à une règle concrète. Il est constaté que les futurs époux (ou les époux, si la vérification s'effectue a posteriori) ne se connaissaient pas avant le mariage, n'avaient aucun type de relation, n'ont pas vécu ensemble ni avant ni après la célébration du mariage, etc. et il est déduit de tout cela qu'il y a eu simulation. Toutefois, la question doit être traitée en procédant à une vérification scrupuleuse de la simulation, en tenant compte surtout du fait qu'il ne s'agit pas de remettre en cause une simple relation juridique mais l'exercice du ius connubi. De ce point de vue, l'existence de règles rigides ou de simples présomptions, présentant plus ou moins de prévisibilité, impose l'identification de la loi applicable à un niveau plus élevé que la simple appréciation des faits. L'article 29 prévoit que la loi du for régira les mariages célébrés ou à célébrer par une autorité de la Caraïbe.

252. Cet article s'achève par des dispositions qui régissent la reconnaissance des mariages célébrés à l'étranger. Malgré les apparences, il s'agit d'une véritable règle de reconnaissance (et non de la loi applicable) et cela laisse un large éventail de possibilités allant de la reconnaissance de la validité du mariage jusqu'à son inefficacité. Alors que, pour le mariage célébré par les autorités de la Caraïbe, la règle est l'application de la loi du for, sauf pour ce qui concerne la capacité dans le cas de la validité d'un mariage célébré par les autorités étrangères, la règle s'articule autour de trois axes alternatifs pour déterminer la validité du mariage. Le mariage est valable s'il est conforme à la loi du lieu de sa célébration. Il n'est fait référence qu'à une seule loi même si les règles de droit international privé peuvent être prises en compte. S'il ne s'agit pas à proprement parler d'appliquer la loi du lieu de célébration du mariage par les autorités de la Caraïbe, la règle d'exclusion du renvoi, qui est prévue dans la présente loi, n'est pas pertinente ici346. De ce fait, un mariage célébré à l'étranger et qui sera reconnu valable par application de la loi locale et de la loi personnelle sur la capacité, conformément aux dispositions de droit international privé propres à la loi locale, sera réputée valable pour la Caraïbe.

Il en sera de même des deux alternatives qui s'articulent autour de la loi locale et étrangère. Deux alternatives qui, selon les cas, peuvent se convertir en quatre : la loi nationale de chacun des conjoints et la loi du domicile de chacun d'eux. Dans ce cas, il faut à nouveau traiter d'une condition de reconnaissance qui, au lieu de s'établir de manière unilatérale par le droit de la Caraïbe, renvoie à tout ordonnancement compétent si le mariage est valable au regard de ces lois. Ainsi, quelle que soit la loi ou les lois effectivement appliquées lors de sa célébration, le mariage sera reconnu valable dans la Caraïbe. Cela répond généreusement aux problèmes susceptibles de se poser pour des mariages incertains (valables dans un lieu et non valables dans un autre) en les plaçant sous le prisme de la stabilité de l'état civil et du droit au respect de la vie privée et familiale, ainsi qu'au ius connubi. Mais aussi généreuse que puisse être cette reconnaissance, il ne peut pas être reconnu une quelconque efficacité à des situations contraires à l'ordre public de la Caraïbe, qui (faute de règle spécifique sur ce point) joue un rôle important dans l'interdiction des mariages de complaisance.


Fatal error: Uncaught Error: Undefined constant "Intl_commentary" in /var/www/vhosts/ohadac.com/httpdocs/includes/textes.php:88 Stack trace: #0 /var/www/vhosts/ohadac.com/httpdocs/index.php(21): include() #1 {main} thrown in /var/www/vhosts/ohadac.com/httpdocs/includes/textes.php on line 88