AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 22

Jouissance et exercice des droits.

1. L'attribution et le terme de la personnalité juridique sont déterminés par le droit caribéen.

2. L'exercice des droits civils est régi par la loi du domicile.

217. L'article 22 régit dans son premier paragraphe la loi applicable à l'acquisition et à la disparition de la personnalité juridique. L'importance de la loi personnelle dans certaines familles de droit a conduit à considérer que la loi personnelle, qu'elle soit celle de la nationalité ou celle du domicile de la personne, devait régir ces dispositions. Une telle solution a toujours posé un problème de logique et de pratique quant à l'acquisition de la personnalité et à d'autres questions traditionnellement rattachées à cette acquisition, comme la protection juridique des droits de l'enfant conçu et à naitre.

La vraie question à laquelle ce texte répond porte sur le moment où un être est considéré comme étant né et comme disposant de la personnalité juridique. Les réponses, bien connues, sont loin d'être uniformes en droit comparé et offrent des choix variés entre celles qui considèrent que la vie humaine existe aussi avant la naissance, et celles qui la rattachent à la naissance. Pour les premières, minoritaires, le point décisif en terme juridique est la détermination de la date de la conception. Pour les secondes, il existe une variété importante de positions parmi lesquelles certaines prennent en compte la simple vitalité, la naissance complète du fœtus, d'autres exigent seulement l'extraction du ventre de la mère (avec ou sans section du cordon ombilical) et celles qui, en plus, exigent que la naissance soit accompagnée de la viabilité à savoir d'une certaine autonomie vitale qui préjuge d'un futur après la naissance. Il existe des règles qui fixent une durée de vie après la naissance (24 heures, par exemple) et y compris – bien que ce ne soit que des résidus historiques insuffisamment actualisés – celles qui exigent une forme humaine déterminée excluant de leur champ les « avortons » qui ne peuvent pas être considérés comme des personnes nées.

Dans tous les cas, la simple divergence entre les différents ordonnancements, aussi petite soit-elle, nécessite d'identifier la loi applicable : par exemple, une simple différence entre le fait ou non d'exiger qu'un délai de vie de 24 heures s'écoule après la naissance, pose déjà une questio iuris entre la personne née en vie et viable mais qui, cependant, meurt dans les premières 24 heures.

218. La prise en compte des données factuelles prédominent ces diverses positions et, en définitive, le poids de l'ordre public est capital pour considérer ou non qu'un être est vivant et, à ce titre, sujet de droits et d'obligations. Aussi, le présent article opte-t-il pour une solution simple et unilatérale en se rapportant à l'application de la loi caribéenne. Le concept de la personne et de sa capacité juridique ne peut être soustrait par une législation étrangère quelle qu'elle soit.

219. Cette solution résout également des problèmes logiques et pratiques que d'autres alternatives pourraient poser, et plus précisément le recours à la loi de la nationalité et à celle du domicile de la personne. Il s'avère évident que d'envisager l'acquisition de la personnalité juridique en fonction de la loi nationale de la personne conduit à un cercle vicieux qui ne pourrait même pas être rompu de façon satisfaisante en recourant par fiction à l'hypothétique loi nationale et ce serait seulement si celle-ci considérait que la personnalité est effectivement acquise qu'il faudrait la reconnaitre et qu'il faudrait la refuser dans le cas contraire. Il en est de même pour le domicile. Dans tous les cas, il convient de reconnaitre que les deux possibilités seraient viables dès lors qu'il s'agit de vérifier l'acquisition de la personnalité juridique par un être effectivement né. Mais dans les cas qui touchent au conceptus ou au concepturus et qui ont une portée juridique en termes de droits et d'obligations, la solution consistant à se référer à une loi personnelle hypothétique reste pratique.

Effectivement, des articles vont dans ce sens, par exemple, l'article 17 du code civil vénézuélien détermine que « Le fœtus sera considéré comme né dès lors que cela est bénéfique pour lui, et pour être considéré comme une personne, il suffit qu'il soit né vivant ». Non seulement, il est fait référence au nasciturus conceptus, mais également au concepturus, ou enfant non encore conçu, lorsque par exemple l'article 1.443 dispose que « Les enfants à naitre d'une personne déterminée peuvent recevoir des donations, même s'ils ne sont pas encore conçus... ». Évidemment, recourir à une loi nationale future ou à celle du domicile introduit un paramètre incertain : on ne sait pas quelle sera la loi nationale du conceptus ou du concepturus jusqu'à la date de la naissance. En matière de nationalité, on ne connait pas à cent pour cent la nationalité des parents au moment de la naissance (en cas de transmission iure sanguinis) ni, non plus, le lieu de la naissance (en cas de transmission iure soli). Faire de la fiction au moment où une mesure doit être adoptée – par exemple une mesure conservatoire pour la protection d'éventuels droits – s'avère complexe. Et attendre la naissance est inefficient.

L'application de la loi du for est une solution simple et sûre qui, non seulement doit céder sa place, dans les derniers cas mentionnés, au profit de la loi qui est applicable au fond du droit en question. Ainsi s'il s'agit de droits successoraux ce sera au profit de la loi qui régira la succession, par exemple, s'il s'agit d'une donation dans les termes mentionnés à l'article 1443 du code civil vénézuélien, ce sera au profit de la loi qui régira la donation298.

220. La disparition de la personnalité juridique, qui est généralement liée uniquement à la mort physique de la personne, pourrait sans poser aucun problème technique être régie par la loi personnelle de l'intéressée (quelle qu'elle soit) étant entendue qu'elle serait facilement identifiable (par la nationalité, le domicile ou autre). Opter pour la loi du for est également simple et prévisible et, surtout, cela correspond le mieux au besoin de proximité entre les éléments strictement médicaux ou médico-légaux et les éventuelles dispositions légales qui déterminent le moment de l'extinction de la personnalité.

221. Quant au second paragraphe, il ne vise pas l'exercice des droits civils, protégés par une garantie constitutionnelle et donc que nous pourrions qualifier d'ordre public, (dans le sens de l'article 3, II du code Bustamante) mais il vise les droits civils personnels ou « d'ordre public interne » qui sont soumis à la loi du domicile, ce qui est relativement commun pour des raisons purement opérationnelles299.


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