AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 9

Compétences exclusives.

Les tribunaux caribéens sont exclusivement compétents sur les litiges ayant pour objet :

  1. les droits réels immobiliers et les baux d'immeubles lorsque le bien est situé sur le territoire caribéen :
  2. la constitution, la validité, la nullité et la dissolution de la société ou de la personne morale dont le domicile est situé sur le territoire caribéen ainsi que la validité des accords et décisions de ses organes qui affectent son existence erga omnes et ses règles de fonctionnement :
  3. la constitution, la validité, la nullité, l'extinction ainsi que l'existence à l'égard des tiers du trust domicilié sur le territoire caribéen :
  4. la validité ou la nullité des inscriptions effectuées sur un registre caribéen :
  5. l'inscription ou la validité des brevets d'invention et autres droits analogues donnant lieu à un dépôt ou un enregistrement, lorsque que ce dépôt ou cet enregistrement a été demandé ou effectué dans la Caraïbe :
  6. la reconnaissance et l'exécution en territoire caribéen des décisions judiciaires et des sentences arbitrales prononcées à l'étranger :
  7. les mesures provisoires et conservatoires qui doivent être exécutées dans la Caraïbe :
  8. la détermination de la nationalité caribéenne.

137. Quoique les cas de compétence exclusive des tribunaux caribéens soient les premiers auxquels se consacre le chapitre 2 du titre second, ils ne doivent pas être considérés comme établissant une compétence de principe à laquelle les dispositions suivantes apporteraient quelques exceptions253. La loi type ne suit pas le plan de la Convention de Bruxelles de 1968 ou du règlement Bruxelles I qui donne la préférence au mécanisme de compétence générale fondé sur le domicile du défendeur et suggère ainsi que les autres chefs de compétence sont dérogatoires et d'interprétation stricte. Elle se rallie à l'ordre d'exposition retenu par d'éminents commentateurs de ces instruments européens254, lequel, sans doute mieux qu'une espèce de hiérarchie des chefs de compétence, exprime une priorité opératoire des compétences exclusives par rapport aux prorogations volontaires de for et au dispositif domiciliaire : qui souhaite porter un litige devant les tribunaux caribéens doit rechercher si ceux-ci sont désignés par un chef de compétence exclusive : à défaut, il recherchera ensuite s'ils sont désignés par une clause attributive de juridiction : à défaut, sauf à s'assurer qu'aucune clause dérogatoire ne déporte l'affaire vers l'étranger, il vérifiera que le défendeur est domicilié dans la Caraïbe ou bien qu'en raison de la nature des intérêts litigieux, le procès peut être utilement déféré aux tribunaux caribéens. Cette chronologie opératoire qui descend l'échelle de la force éliminatoire ne préjuge pas du statut des diverses compétences exclusive, volontaire, générale ou spéciale.

138. Énumérées de manière limitative à l'article 9, les compétences exclusives conduisent immédiatement aux juges caribéens lorsque l'élément de rattachement qu'elles comportent se réalise au sein de l'ordre juridique caribéen. Cinq de ces compétences figurent dans les catalogues de l'article 22. 1° de la LOPJ (Espagne) et de l'article 22 du règlement Bruxelles I : elles sont prévues en matière d'immeubles, de sociétés et personnes morales, d'inscriptions sur les registres publics, de droits intellectuels et d'exécution des décisions. La loi type complète cette liste en y ajoutant des compétences en matière de trust, de mesures provisoires et de nationalité caribéenne. Ces compétences sont exclusives en ce sens que, du point de vue caribéen, il n'est pas permis aux plaideurs de porter le litige devant d'autres tribunaux que les tribunaux caribéens. Aucune concurrence avec les juges étrangers n'est admise : le demandeur n'a aucun choix, il doit adresser sa demande aux juges caribéens. Cette dévolution nécessaire présente plusieurs caractères.

139. En premier lieu, une compétence exclusive est une compétence globale (ou internationale, ou encore générale, selon la terminologie de Bartin) en ce sens que la désignation qui résulte de la localisation du litige au sein de l'ordre juridique caribéen porte sur l'ensemble des organes judiciaires : c'est la solution du droit de l'Union européenne (Règlement Bruxelles I, article 22) comme du droit espagnol (LOPJ, article 22, 1°) et sans doute est-elle justifiée par l'idée d'une implication significative dans les contentieux ainsi réservés d'un intérêt propre de l'État sur le plan international, beaucoup plus que par un rapport particulier qui unirait la cause à un tribunal déterminé. En conséquence, il revient à l'État et à l'ordre juridique caribéens, une fois établie leur compétence générale, d'identifier dans l'appareil judiciaire national le tribunal à saisir au moyen de leurs règles de compétence interne255.

En second lieu, la compétence exclusive est une compétence impérative. Il s'ensuit que les clauses aux termes desquelles les parties seraient convenues de confier le litige à un ou à des tribunaux d'un État étranger sont inopérantes et ne peuvent entamer la compétence caribéenne. Cette indisponibilité de la compétence caribéenne est le corollaire naturel de l'exclusivité : en n'autorisant que la saisine des tribunaux caribéens, celle-ci supprime la concurrence des juridictions et ne laisse aucun choix aux plaideurs.

En troisième lieu, la compétence exclusive développe deux effets : une obligation de saisir les tribunaux caribéens et une interdiction de s'adresser aux tribunaux étrangers. L'effet positif d'obligation pèse sur la compétence directe et fonde la régularité de la procédure engagée devant les tribunaux caribéens : l'effet négatif pèse sur la compétence indirecte et frappe d'irrégularité la procédure qui a été poursuivie devant le juge étranger, de telle sorte que la décision qui en est issue est insusceptible de reconnaissance et d'exécution dans la Caraïbe (vid. article 74, iii).

140. En quatrième lieu, la compétence exclusive produit un effet particulier dans les rapports entre États ayant adopté la loi type. Il s'agit de ce que certains auteurs ont dénommé effet réflexe256 ou effet miroir. celui-ci conduira le juge caribéen qui a été saisi, alors que le chef de compétence retenu par l'article 9 se concrétise au sein de l'ordre juridique de l'État étranger, à se dessaisir. Par le jeu de l'article 9, cet État étranger revendique le monopole sur le litige comme l'aurait fait sur la même base la Caraïbe si le chef de compétence exclusive s'était réalisé sur son territoire. L'intérêt particulier de cet effet réflexe se manifeste dans le cas où les circonstances de la cause ne permettant pas au juge caribéen de s'appuyer sur l'article 9, lui offriraient cependant la possibilité de fonder sa compétence sur une autre règle, par exemple lorsque le défendeur a son domicile dans la Caraïbe (article 11) : dans cette hypothèse, si le procès s'engage et se poursuit dans la Caraïbe, rien ne garantit qu'il ne sera pas également porté devant les juges de l'État étranger et donc rien ne prévient le risque de conflit de procédures ni, par conséquent, le risque de conflit de décisions. Or, si ces risques de conflit trouvent une issue au regard du droit de la Caraïbe dans l'article 74 qui, au plan de la reconnaissance et exécution, conduit à préférer le procès ou le jugement caribéen et à censurer le procès ou le jugement étranger (article 74, iv ou v), ce ne peut être qu'une issue en trompe l'œil pour les parties, car il est évident qu'en pratique, le différend se localisant à l'étranger, la décision caribéenne ne s'y imposera pas et ne pourra y donner lieu à exécution forcée : alors qu'au contraire, le jugement étranger, disqualifié dans la Caraïbe, pourra sans difficulté être ramené à exécution par les autorités de l'État au nom duquel il a été prononcé. En admettant l'effet réflexe qui garantit l'unité de procédure par le dessaisissement du juge caribéen, l'article 9 se plie aux exigences d'économie procédurale et, de plus, il s'aligne sur l'objectif même de ce mode d'unification douce qu'est la loi type en assurant l'unité de solution entre les États qui s'y sont ralliés. En revanche, il a pu paraitre plus téméraire de prévoir pareille division du travail juridictionnel avec des États qui n'ont pas adopté la loi type et qui, plutôt que s'engager sur la voie de l'harmonisation, préfèrent conserver leur propre système de compétence internationale, dont la teneur peut être différente – que ce soit par l'effet de divergences de rattachement ou par l'effet de divergences de qualification des demandes – et aboutir à laisser la compétence aux tribunaux de quelque État tiers dont les titres seraient moins pertinents que ceux que conservent les tribunaux de la Caraïbe.

Ainsi l'effet réflexe se limite à obliger le juge caribéen à se déclarer, au besoin d'office, incompétent dans le seul cas où il est assuré que le litige sera tranché à l'étranger par des tribunaux dont la compétence est incontestable (article 17, §4257) : c'est précisément ce que garantit l'adoption de la loi type par l'État de réalisation du critère de l'article 9. Avec l'effet réflexe s'esquisse un réseau de coopération judiciaire qui pourrait se développer en véritable espace judiciaire OHADAC.

141. L'article 9 décline huit cas de compétence exclusive. Parmi ceux-ci un seul échappe clairement à la dimension territoriale : il s'agit du dernier de la liste (article 9, viii) où est établie la compétence des tribunaux caribéens sur le contentieux relatif à la détermination de la nationalité caribéenne. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi en cette matière le titre des tribunaux caribéens, d'une part, ne repose pas sur un lien territorial et, d'autre part, est marqué d'exclusivité. La nationalité d'un individu peut sans doute être fondée sur le jus soli, mais la relation qu'elle établit entre l'individu et l'État est un lien personnel qui se conserve même au delà des frontières et conserve sa vitalité et son autorité en quelque lieu que l'individu se trouve. Ce lien qui est l'objet du procès intéresse certes la personne privée qui en est le sujet, mais il intéresse aussi et de très près l'État à qui la qualité de souverain confère le monopole de la détermination de ses nationaux, c'est-à-dire de sa composante personnelle. L'incidence qu'aura nécessairement sur cette composante le jugement prononçant au principal sur l'attribution, l'acquisition ou la perte nationalité, justifie l'exclusivité. Attesté par l'applicabilité de sa propre loi, l'intérêt de l'État est trop étroitement engagé pour qu'il s'abandonne à une juridiction étrangère. Et cela est si clair qu'il est permis de conjecturer que quiconque à titre principal revendiquera une nationalité déterminée ou contestera en être titulaire s'adressera directement aux juridictions de l'État concerné, de telle sorte qu'en ce cas la question de l'effet réflexe de l'exclusivité n'aura guère l'occasion de se poser devant les tribunaux caribéens.

142. Mais il se pourrait qu'un tribunal étranger s'estime compétent pour connaitre d'une question de nationalité caribéenne, par exemple, parce que ses propres règles de droit judiciaire international l'autorisent à connaitre incidemment de la question de nationalité dont la solution est nécessaire pour la résolution de la question principale dont il est saisi en tant que juge du domicile du défendeur. Cette éventualité intéresse la Caraïbe sur le plan de la reconnaissance de la décision ainsi obtenue à l'étranger : l'exclusivité de la compétence de l'article 9 ne fait-elle pas, selon l'article 74, iii), obstacle à la régularité et donc à l'efficacité de cette décision étrangère : Quoique le texte de l'article 9 ne fasse pas de distinction entre demande principale et question incidente, il semble qu'ici il convienne de restreindre l'exclusivité de la compétence internationale et le monopole qu'elle attribue aux juges caribéens à l'hypothèse où la nationalité caribéenne est l'objet principal de l'instance. Le refus de reconnaissance opposé à la décision étrangère conduirait à un déni de justice autorisant le renouvellement du procès devant le juge caribéen (article 15, ii), alors même que l'issue de la question de nationalité caribéenne traitée incidemment dans l'instance étrangère n'y a, au plus, reçue d'autorité qu'au regard de la solution apportée à la question principale : les coûts et délais exigés par le redoublement des procédures seraient disproportionnés au point de représenter une entrave à la jouissance du droit à une protection juridictionnelle effective que ne pourrait justifier le faible trouble redouté de la reconnaissance. Réciproquement, le cantonnement aux seuls cas où la question de nationalité caribéenne est l'objet principal du procès doit être admis pour l'interprétation et l'application de l'article 17 §4 : les tribunaux caribéens se déclarent d'office incompétents lorsqu'ils sont saisis à titre principal d'une demande portant sur une nationalité étrangère, sur laquelle les tribunaux d'un autre État ayant adopté la loi type sont exclusivement compétents en vertu de l'article 9 : en revanche, si la question de nationalité étrangère est soulevée incidemment à une question principale qui relève de leur compétence, les tribunaux caribéens n'ont pas à se déclarer incompétents.

Ce point d'interprétation concernant l'étendue de l'effet réflexe intéresse également les autres chefs de compétence exclusive qu'énumère l'article 9 et qui pour les mêmes raisons sont justiciables de la même solution.

143. Ces autres chefs de compétence exclusive se rejoignent tous par leur caractère territorial. Cette territorialité procède de considérations de bonne administration de la justice et d'économie procédurale dont l'intensité varie selon les cas mais sur une échelle relativement étroite. Pour chacune d'entre elles se retrouve aussi la pression de l'intérêt de l'État. celui-ci est engagé par les demandes tendant à obtenir ou à dénier la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères et sentences arbitrales dans la Caraïbe (article 9, vi), puisqu'il s'agit de l'intégration dans l'ordre juridique caribéen de décisions prises, en dehors de son propre système judiciaro-coercitif, au nom d'une souveraineté étrangère ou par application d'un accord privé : aucune autre autorité que celle de la Caraïbe ne peut, sans compromettre la souveraineté et l'organisation de la justice publique caribéennes, prononcer utilement sur ces questions. En ce domaine, le périmètre opérationnel de cette souveraineté et de cette organisation coïncident avec le territoire national. Il convient d'observer d'ailleurs que la compétence exclusive embrasse ici, au delà des procédures d'accueil des décisions, le contentieux des mesures d'exécution, puisque celles-ci réalisent le monopole que détient l'État sur l'usage de la contrainte légitime et ce monopole est circonscrit au territoire national. Associée à la précédente, cette dernière justification vaut aussi à propos des mesures conservatoires qui doivent être exécutées sur le territoire de la Caraïbe (article 9, vii).

144. Sans doute moins étroitement impliquée, la souveraineté l'est encore s'agissant des registres publics institués et gérés pour consolider diverses sortes de droits des particuliers et faciliter leur exercice par l'information des tiers (registre de l'état civil, registre foncier, registre du commerce, registre des sociétés...). Implantés sur le sol national et opérant selon des procédés formalistes, ces organismes produisent une information qui est à la fois codée et de portée géographique circonscrite au territoire258. La publicité des situations juridiques est ainsi l'objet de services publics que l'État organise dans l'intérêt des particuliers, non pas seulement des titulaires de droits, mais bien de l'ensemble de la collectivité, et cette mission d'administration publique des intérêts privés ne peut, sans attenter à la souveraineté de la Caraïbe ni exposer au risque de perturbations, être soumise au contrôle, ne serait-il que juridictionnel, d'un État étranger. Aussi bien, la loi type se rallie aux solutions consacrées par le système Bruxelles I (article 22, al. 1er, n°3 et 4) pour les registres publics en général, ce dont l'article 9, v) prend acte, que pour, l'inscription et de la validité des brevets et autres droits soumis à dépôt ou enregistrement visées à l'article 9, vi)259.

145. peut-être de manière moins visible, la main de l'État pèse cependant sur les deux catégories d'institutions aptes à agir de façon autonome dans la vie civile et commerciale que sont, d'une part, les sociétés et personnes morales (article 9, ii) et, d'autre part, les trusts (article 9, iii). La loi type en retenant pour ces deux catégories des solutions identiques se sépare du système Bruxelles I et de la LOPJ lesquels, ne prévoyant pas de compétence exclusive pour le trust et même négligeant son autonomie, soumettent son contentieux interne au dispositif de compétence domiciliaire à moins que ne l'écarte une prorogation volontaire de for. Mais, comme il a été observé plus haut sous l'article 5. 1, litt. c), un certain nombre de systèmes juridiques de l'espace OHADAC connaissent cette institution et entendent en favoriser le développement : il a paru dès lors opportun d'apporter aux procès qui mettent en cause l'existence ou le statut de celle-ci un régime de compétence approprié. Comme, à l'instar de la société ou des autres personnes morales, le trust est une entité artificielle (par opposition aux personnes physiques qui sont naturelles), sa réalité sociale, qui lui permet de gérer les intérêts auxquels il est ordonné de manière indépendante, est le produit de l'ordre juridique sous l'égide duquel il vit : il convenait donc d'ériger également en chef de compétence le domicile tel que le définit l'article 5, §1, litt. c), car c'est en ce lieu que cette réalité se manifeste et que les décisions la concernant feront sentir leur effet, lequel ne pourra être que celui que prévoit et sanctionne l'État protecteur260.

146. Enfin, l'État du lieu de situation de l'immeuble se voit reconnaitre une compétence exclusive sur les procès dont l'objet principal est constitué par les droits réels dont ce bien est l'assiette. Ici abordée en dernier lieu, cette solution est la première que consacre l'article 9 (i) et ce placement vient rappeler que, dans l'histoire, elle est aux origines de la tradition euro-continentale du droit international privé. Si elle s'est conservée et généralisée, c'est qu'elle reste en consonance avec la représentation contemporaine de l'ordre juridique étatique. Le droit réel sur l'immeuble est perçu comme un élément du statut d'un bien inséparable de cette composante essentielle de l'État qu'est le territoire. De plus, faisceau de prérogatives permettant de retirer les utilités de la chose, le droit réel participe à la distribution de celles-ci entre les membres du corps social : base de l'échange social, il requiert l'uniformité locale, de telle manière que ceux qui l'exercent et que ceux à qui il est opposé soient, sur le ou les mêmes biens, titulaires de libertés et sujets de limitations strictement coordonnées, ajustées le unes aux autres, faute de quoi se répandrait l'anarchie. Cette exigence fait à l'État un devoir d'assurer une police des sols et de garantir la sécurité des transactions, qui ne tolèrent pas d'interférence de législateurs étrangers. L'implication de l'État se renforce ici encore de ses missions régaliennes de promotion ou de protection d'un régime économique et gestion de l'environnement. Le bon accomplissement de ces diverses tâches commande de reconnaitre à l'État sur le territoire duquel est implanté l'immeuble le monopole du traitement juridique des droits dont celui-ci est le support, ce qui ne se conçoit pas avec la même portée, à propos des meubles (vid. infra, article 58 et seq.). Au demeurant, des raisons moins publicistes et qui se retrouvent avec plus ou moins de relief dans les autres cas visés à l'article 9 militent en faveur de cette compétence exclusive. En cas de litige, l'État de la situation est celui sur le territoire duquel il y aura lieu, le cas échéant, de procéder à des mesures d'instruction et il est aussi celui dont la loi sera normalement applicable en cette matière de droits réels : aussi, les tribunaux « à pied d'œuvre » et familiers des règles régissant la cause répondent à la double dimension, géographique et intellectuelle, du « principe de proximité » qui localise ainsi le procès sur ce territoire et tend à garantir une bonne administration de la justice par l'exacte connaissance des faits et une exacte application du droit. Associé à l'exigence d'économie procédurale qui recommande d'agir devant les tribunaux du lieu où s'exercent les prérogatives, où donc surgit le conflit des intérêts et où se réalisera nécessairement la décision, ce « principe » impose la solution aux parties, abstraction faite de leurs positions procédurales personnelles (ni actor sequitur forum rei, ni forum actoris), établissant une compétence si rationnellement fondée qu'elle ne leur laisse, en vérité, aucun choix utile. Mais adossée à l'intérêt de l'État comme à l'intérêt des particuliers, cette compétence exclusive pourrait développer une vis attractiva qui risque d'en élargir abusivement le domaine au delà des seuls droits réels.

147. Ce risque n'a pas échappé aux auteurs de la loi type qui, à l'exemple des auteurs de la Convention de Bruxelles de 1968 ou de l'article 22, 1° de la LPOJ, ont complété l'article 9, i) en adjoignant au contentieux portant sur les droits réels immobiliers le contentieux des baux d'immeubles. Cet ajout est justifié pour autant que ce dernier vérifie aussi intensément que le premier les raisons qui fondent la compétence exclusive. Mais dans le même temps, comme il se limite aux contestations « relatives à l'existence ou à l'interprétation des baux ou à la réparation des dégâts causés par le locataire, à l'évacuation des locaux261 », c'est-à-dire relatives en somme à l'occupation et utilisation du bien loué, il faut admettre qu'il n'est pas extensible à d'autres procès qui opposeraient bailleurs et locataires et où prédomine l'aspect obligationnel ou contractuel. Précisément, l'extension ne se réalise que sur les rapports du locataire à la chose louée et ce sont ces rapports qui sont souvent régis par des législations particulières correspondant à des politiques publiques (d'ordre économique ou social) et dont, en raison de leur complexité et de leur impérativité, il est préférable que l'application soit réservée aux juges du pays où elles sont en vigueur.

Contrairement aux versions successives de la Convention de Bruxelles et au règlement Bruxelles I, la loi type n'a pas soustrait à la compétence exclusive de l'article 9 les locations de vacances ou baux de courte durée. Il en résulte que les tribunaux de la Caraïbe seront nécessairement seuls compétents sur le contentieux que peuvent soulever ces modes d'occupation et d'utilisation et qu'ils seront ainsi en mesure de leur appliquer les dispositions que leur législation considère impératives.


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