AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 1

Objet de la loi.

1. La présente loi fixe le régime des relations privées internationales en matière civile et commerciale. Elle régit en particulier :

  1. l'étendue et les limites de la juridiction caribéenne :
  2. la détermination du droit applicable :
  3. la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères.

2. Sont internationales les relations privées qui se relient à plus d'un ordre juridique par leurs éléments constitutifs, correspondant à la personne de leurs sujets, à leur objet ou à leur création.

86. L'article 1er est très classiquement une disposition d'ouverture décrivant l'objet de la loi type et indiquant ainsi son ambition217. Sans être démesurée, cette ambition est relativement vaste. Alors que certaines législations contemporaines choisissent de ne traiter que les conflits de lois ou questions de droit applicable – c'est le cas de la loi polonaise du 4 février 2011 ou de la loi néerlandaise du 19 mai 2011 introduisant un livre X dans le code civil des Pays-Bas – et de confier les conflits de juridictions, c'est-à-dire les questions de compétence judiciaire internationale et de circulation internationale des jugements et actes publics, à un texte distinct ou à un code de procédure civile, la loi type se propose d'embrasser conjointement les trois groupes de problèmes que rencontre le développement international d'une relation de droit privé. Le dessein est donc de proposer une codification du droit international privé dans son volet objectif218. Inspiré par le souci d'harmoniser le traitement juridique des rapports transfrontières afin de faciliter ceux-ci au sein de la zone Caraïbe, le programme OHADAC ne prévoit pas de mettre en place un droit matériel commun en matière civile et commerciale qui pourrait se distribuer en plusieurs codes (code civil, code de commerce, code de procédure civile) entre lesquels pourraient être répartis, comme cela se fait dans divers États, les dispositions relatives aux conflits de lois et aux conflits de juridiction. L'entreprise au temps présent serait téméraire : avec plus de réalisme et de sagesse, la loi type suppose le maintien, pour un certain temps encore, d'une certaine diversité conservant à chaque ordre juridique son identité et par conséquent ne prétend pas affecter ou modifier les droits internes des États concernés. Pourtant, comme une loi type ne constitue qu'une offre de législation, elle pourra une fois reçue par un État et pour autant que cela y est jugé nécessaire, être désossée et répartie entre les divers monuments législatifs en vigueur dans cet État. Mais ce dépeçage ne saurait être recommandé, car il risquerait en plaçant les règles de droit international privé sous la coupe du droit interne, d'encourager les interprétations divergentes et de compromettre la cohérence de l'ensemble219.

87. La composition de cette loi type, sinon sa structure, correspond à celle de la loi italienne n°218 du 31 mai 1995 portant réforme du système italien de droit international privé, ou à celle de la loi vénézuélienne de droit international privé du 6 août 1998, ou encore à celle du code belge de droit international privé (Loi du 16 juillet 2004) : on pourrait aussi évoquer ici le précédent de la loi suisse de droit international privé (LDIP) du 18 décembre 1987, mais si le spectre des matière est comparable, l'économie générale du texte est différente et le rapproche plutôt de l'avant-projet de loi de droit international privé de la République Dominicaine de 2013.

La loi type comporte en effet trois titres centraux, entourés par un titre 1er recueillant quelques dispositions communes et par un titre V consacré aux dispositions finales.

88. L'article 1er destine l'ensemble de ces règles aux rapports privés à caractère international et de nature civile et commerciale.

En son paragraphe 2, il donne quelque précision sur l'internationalité susceptible de caractériser le rapport de droit privé. Est international le rapport qui par tel ou tel de ses éléments constitutifs est relié à plus d'un ordre juridique. La formule opte de la sorte pour une conception juridique de l'internationalité, ce qui dans un texte de portée aussi générale se justifie par l'insuffisance du critère économique : fondé sur un mouvement transfrontière de valeurs économiques, celui-ci, d'une part, n'a de légitimité que pour l'application d'un groupe restreint des règles extra-étatiques propres à certains aspects du commerce international se plaçant sous la dénomination de jus mercatorum et, d'autre part, il ne vise qu'une fraction limitée de l'ensemble des rapports appréhendés par la loi type qui s'assigne un domaine matériel beaucoup plus vaste. Au demeurant, le critère juridique est celui qui est retenu par la plupart des lois modernes de droit international privé lorsqu'elles jugent utile de définir l'internationalité (vid. les projets mexicain, panaméen, uruguayen, les lois vénézuélienne, polonaise, et roumaine).

Les éléments déterminant le caractère international sont afférents soit à la personne des sujets, soit à l'objet soit encore à la source de la relation : il s'agira donc tantôt de la nationalité de l'une des parties, ou de son domicile ou de sa résidence habituelle, tantôt du lieu de situation du bien mobilier ou immobilier ou du lieu d'exécution de l'obligation, tantôt enfin du lieu de formation du contrat ou lieu du fait dommageable ou encore de l'autorité intervenant ou étant intervenue dans la création du rapport. Dans la mesure où ils attestent que le rapport privé se développe également dans un ordre juridique distinct de celui où se situe l'interprète, mais aussi bien armé pour résoudre les questions de droit, ces éléments usuellement appelés éléments d'extranéité signalent le risque de « conflit », c'est-à-dire une hésitation née de la concurrence des systèmes juridiques portant soit sur la détermination des tribunaux compétents, soit sur la détermination de la loi applicable, soit encore, le cas échéant, sur l'autorité de la décision prise à l'étranger.

89. Les rapports privés à caractère international auxquels la loi type se consacre relèvent, selon la précision de l'article 1er, de la matière civile et commerciale. Cette spécification qui s'articule sur le concept de droit privé est directement empruntée au droit de l'Union européenne220, dans l'acception qu'elle reçoit de l'interprétation que la Cour de justice fait de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (désormais règlement Bruxelles I) : elle a pour fonction de délimiter le domaine d'application de ces instruments et en particulier d'éliminer les rapports de droit public. La justification de cet emprunt à cette fin est apportée par la considération suivante : constatant le caractère fluctuant de la distinction entre droit privé et droit public selon les systèmes qui la connaissent et où elle joue un rôle majeur et son caractère un peu énigmatique pour les systèmes qui, sans l'ignorer, ne lui confèrent pas un rôle cardinal, la Cour de justice a entrepris de construire une interprétation autonome qui réponde aux objectifs et au système de la convention dans le cadre des principes généraux que partagent l'ensemble des systèmes nationaux : or, les États de l'espace OHADAC sont tout autant que l'Union européenne héritiers de traditions diverses à l'intérieur des familles romano-germanique et anglo-américaine et le critère de la matière de droit public fondé par la Cour sur « l'intervention d'une autorité publique agissant dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique » a semblé pouvoir constituer une base de départ opératoire, sur laquelle il appartiendra ensuite à l'ensemble des États ayant adopté la loi type de développer de leur côté le concept en fonction des exigences de coopération auxquelles ils auront adhéré.


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