AVANT-PROJET DE LOI MODÈLE OHADAC RELATIVE AU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Article 80

Application dans le temps.

1. La présente loi s'applique à toutes les procédures introduites après la date de son entrée en vigueur, sans préjudice des droits acquis.

Cependant, les actes effectués et les faits survenus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, mais qui continuent à produire leurs effets, sont régis par la loi antérieure à cette date pour la période antérieure et par la présente loi pour la période postérieure.

2. Les juges et autorités de la Caraïbe saisis de demandes présentées avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi conservent leur compétence même si celle-ci ne leur est pas conférée par la présente loi.

Devant les juges et autorités de la Caraïbe, les actions rejetées pour incompétence avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi peuvent être exercées de nouveau si compétence leur en est conférée par cette dernière, pourvu que la demande soit encore recevable.

3. Les dispositions de la présente loi relatives aux conditions de la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères s'appliquent aux demandes de reconnaissance et d'exécution qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

452. L'application dans le temps des règles de DIPr prend un relief particulier. Si les règles juridiques et, en particulier, celles propres à cet ordre juridique sont énoncées par le législateur dans le but de régir une conduite future en établissant par avance des valeurs et des intérêts déterminés, ces règles en question doivent se fonder sur un instrument normatif complémentaire prenant en compte les faits passés ou les situations de facta pendentia564.

Les systèmes nationaux de DIPr se caractérisent par l'inexistence ou l'insuffisance de ces instruments (règles de droit transitoire). Ces systèmes se caractérisent également par le transfert dans ces instruments de valeurs discutables qui dénaturent souvent l'objectif initial de la révision juridique effectuée. Les règles transitoires traditionnelles, confortablement incluses dans les codes civils, ne peuvent offrir de réponse cohérente à ces questions, qui ne relèvent pas exclusivement du domaine matériel mais également de la procédure. Il est bien connu que la formulation de la règle traditionnelle de non-rétroactivité de la loi, qui s'adresse exclusivement à l'interprète de la loi, découle de textes déclaratoires relatifs aux droits de la personne. Il est indéniable que cette règle a été formulée suite aux injustices induites par les lois et aux décisions judiciaires à effet rétroactif. Elle a donc été établie comme corollaire du principe de légalité et en faveur du droit à la sécurité juridique du citoyen. En outre, cette règle vise à protéger les libertés civiles et constitue un postulat de sécurité juridique consubstantiel pour l'exercice du commerce. Cette approche est intimement liée au phénomène de codification et atteint des objectifs fondamentaux comme la stabilité et la sécurité juridique. En d'autres termes, la non-rétroactivité est une formule rigide mais confortable qui illustre l'époque où l'accent était mis sur la sécurité juridique. Elle est également une formule représentant un facteur d'ordre et de sécurité dont l'existence même vise à garantir l'ordre social565. Selon l'idée directrice de l'époque, dans une société bien organisée, toute personne doit exercer son activité juridique en pleine conscience des conséquences qui en découlent. Par conséquent, la loi ne doit pas avoir d'effets rétroactifs, car cela pourrait susciter une incertitude déconnectée de la réalité.

À l'heure actuelle, l'attention a été attirée sur les situations injustes susceptibles de découler de la règle de non-rétroactivité en son état pur566 ainsi que sur l'échec d'un critère préétabli et général ayant pour objectif de résoudre tous les cas de conflit intertemporel susceptibles de survenir. La reconnaissance de l'application immédiate de la nouvelle loi posera toujours un problème d'articulation avec les situations encore régies par la loi précédente. Par conséquent, il est impossible de résoudre la question de la rétroactivité ou de la non-rétroactivité de la loi à l'aide de critères axiomatiques. En outre, dans tous les cas, l'application par analogie des dispositions transitoires des codes civils à des solutions concrètes ne semble pas être une démarche adaptée. Cela est d'autant plus vrai à une époque de profonds changements législatifs. La règle générale de non-rétroactivité a donc un caractère subsidiaire et ne s'appliquera que lorsque la nouvelle loi n'a rien prévu concernant son caractère rétroactif.

453. Pour les raisons évoquées ci-dessus, du point de vue de la loi applicable dont traite de titre III de la présente loi, le principe de non-rétroactivité connait deux exceptions : le respect des droits acquis et reconnus dans la Caraïbe, conformément aux limites adéquates fixées par l'article 71, ainsi que le cas où les faits ou actes juridiques controversés ont pris naissance avant l'entrée en vigueur de la présente loi, tout en continuant de produire des effets juridiques. Dans ce dernier cas, la solution la plus équitable consiste à ce que ces faits ou actes soient régis par l'ancien droit pour la période antérieure à cette date et par le nouveau droit pour la période postérieure567.

Cette solution est acceptée dans la majorité des systèmes nationaux de DIPr, qui penchent clairement en faveur de la solution faisant appel aux règles internes générales en matière de non-rétroactivité des lois. Il n'existe aucune raison de s'écarter de ce principe. Des positions plus nuancées existent bien568, y compris dans le cadre d'un système spécifique569. Or, dès lors qu'un législateur décide de réformer les règles de DIPr, il faut souligner que cette initiative serait restreinte si elle n'intégrait pas les règles transitoires qui étendent les nouvelles valeurs aux situations antérieures sur la base de la spécialisation des matières régies. Incontestablement, la règle traditionnelle continue d'être valide en matière d'obligations contractuelles. Cependant, d'autres institutions nécessitent des solutions plus spécifiques, en particulier dans le domaine du droit de la famille, qui étend les conquêtes juridiques d'une société démocratique à des situations antérieures (égalité des époux et de leurs enfants face à la loi, efficacité globale de marché, etc.).

454. Les questions intertemporelles relatives à l'application des règles comprises dans le titre III de la présente loi surviennent quand une procédure est engagée sur la base de certains fors de compétence précis. Et lorsque cela engendre un changement normatif qui affecte ces fors en retirant la compétence à la juridiction saisie de l'affaire. Il existe plusieurs solutions. D'un côté, il peut être procédé à une transposition pure et simple des solutions propres à la succession des règles de conflit, qui part d'une ressemblance entre les liens de rattachements et les fors de compétence et qui doit s'en tenir aux règles du paragraphe 1 du présent article. D'un autre côté, cela peut se faire en fixant un moment décisif (une date critique) à partir duquel il est admis que, si les juridictions étaient compétentes, leur compétence devra être prolongée jusqu'à la fin de la procédure et ce, indépendamment du changement normatif. L'établissement de cette date prévoit la possibilité qu'une action, refusée par les juges ou par les autorités du for à défaut de compétence antérieure, pourra être engagée de nouveau si la nouvelle loi établit leur compétence et à condition que l'argument puisse être invoqué570.

Des raisons d'économie de procédure ainsi que l'appréciation de la nature distincte des règles de compétence judiciaire et législative invitent à maintenir cette deuxième option à travers le principe dit de la perpetuatio iurisdictionis. En DIPr, en l'absence de règle législative établie en la matière, il est admis à titre général que le problème devra être résolu conformément au présent article. Pour ce faire, les solutions en faveur de la compétence nationale seront appliquées de manière extensive, ce qui se justifie du fait du caractère non déclinatoire de la juridiction nationale.

455. En ce qui concerne l'efficacité des décisions étrangères reconnues dans le titre IV, l'impact du facteur temps est particulièrement intense571. Cela est dû à la solution de continuité susceptible d'exister au moment où la décision étrangère est rendue et celui où sa demande d'exécution est présentée, sachant qu'entre les deux intervient l'entrée en vigueur de la présente loi. Il y a donc lieu de considérer que les demandes de reconnaissance et d'exécution qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par cette dernière en ce qui concerne les conditions de reconnaissance et d'exécution.


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