PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 9.1

Droits et actions susceptibles de prescription

Sauf disposition contraire, les droits et actions dérivant des contrats conclus s'éteignent par prescription à l'expiration d'un délai fixé conformément aux règles suivantes.

1. Portée de la prescription

En ce qui concerne la réglementation de la prescription, les systèmes romano-germaniques et ceux de tradition anglo-saxonne diffèrent, avant tout, quant à la dénomination et la nature qu'ils attribuent à cette institution. Ces différences sont représentées dans la région caribéenne.

Dans la zone OHADAC, les systèmes de tradition continentale ou romano-germanique, en particulier ceux qui relèvent du droit français, traitent conjointement de la prescription « acquisitive ou positive » et de la prescription « extinctive, négative ou libératoire ».

Les systèmes anglo-américains distinguent sous des énonciations différentes l'influence qu'exerce l'écoulement du temps sur les relations juridiques. L'expression « prescription » est généralement réservée au phénomène de consolidation en matière de propriété ou d'autres droits réels par l'écoulement du temps (Prescription Act, Chapter 158, des Bahamas : Prescription Act, Chapter 192, du Bélize : Limitation and Prescription Act, Chapter 252, de la Barbade : Prescription Act, Chapter 7:02, de la Dominique : Prescription Act de 1973 de la Jamaïque). Pour désigner l'effet protecteur ou inhibitoire de la prescription, permettant de se baser sur le simple écoulement du temps pour contrer une action, les termes limitation actions ou limitation periods sont communément employés. Dans ces systèmes, la réglementation, sur un plan davantage procédural, se tient en marge des règles substantielles d'ordre privé [Limitation Act 2000, Chapter L60, d'Anguilla : Limitation Act 1997 d'Antigua-et-Barbuda : Limitation Act 1995, Chapter 83, des Bahamas : Limitation of Actions Act, Chapter 173, de la Grenade : Limitation Act, Chapter 7:02, du Guyana : article 2.047 du code civil saint-lucien, Revised laws of Saint Lucia, 2006, Chap 4.01 : The limitation of Actions Act, part. IV (Debt and Contract) de la Jamaïque : Limitation Act, Chapter 2.12, de Montserrat : Limitation Act, Chapter 90, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines : Limitation of Certain Actions Act, Chapter 7:09, de Trinité-et-Tobago : et Limitation of Actions Act, de la Jamaïque].

Dans les présents Principes, le terme « prescription » (sans qualificatif) vise l'influence que produit l'inaction prolongée dans le temps sur l'exercice des droits et créances dont dispose chaque partie au contrat. En tant que réglementation de caractère privé, les présents Principes ont pour objectif de garantir la souplesse et la sécurité des échanges juridiques. La co-existence au niveau international de plusieurs systèmes disposant de différentes alternatives et options de réglementation portant sur le socle même de la prescription (objet, régime objectif et subjectif dans le décompte des délais, interruption versus suspension, délais de forclusion, effet extinctif ou simplement de protection, portée de l'autonomie de la volonté, effets des garanties protégeant les droits, etc.) constitue un frein et un obstacle sérieux au commerce international. Ainsi, il est nécessaire qu'une convergence ait lieu entre les différents systèmes, et en particulier entre le modèle romano-germanique et celui anglo-américain, au moyen de la proposition de règles uniformes qui peuvent être essentiellement partagées par toutes les familles juridiques faisant partie de l'OHADAC.

Cette convergence entre les systèmes influe sur le débat relatif à la nature procédurale ou substantielle de la prescription et au caractère impératif ou dispositif de ses règles. La tendance claire en matière de contrats internationaux porte sur une qualification substantielle, comme question « contractuelle », tel qu'il en résulte de l'article 12 du Règlement (CE) 593/2008, du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

2. Objet de la prescription dans les systèmes nationaux de l'OHADAC

Les règles relatives à la prescription posent une question préliminaire quant à son objet : s'agit-il des actions (claim, en anglais, rechtsvordering, en néerlandais) ou des droits (rights en anglais, rechts, en néerlandais) : Si le centre de gravité se situe dans les droits, la prescription entraine leur extinction. Si elle influe sur le pouvoir de les exercer, la prescription ne permet au titulaire que d'adopter un comportement de rejet face à une action intempestive, c'est-à-dire que le débiteur demeure obligé bien que les modalités de réclamation de l'action aient été dénaturées. Dans le premier des cas susmentionnés, la prescription affecte le droit lui-même en provoquant son extinction, et défend même l'automatisme ou l'extinction ipso iure du droit. Au contraire, maintenir que la prescription ne porte pas sur le droit mais sur l'action, qui est le moyen de faire valoir son droit en justice, suppose qu'une fois la prescription vérifiée, le droit subjectif subsisterait mais sans aucune tutelle judiciaire.

Dans la common law, l'expression limitation actions, qui insiste sur la nature procédurale de l'institution, témoigne de la position générale du système anglo-américain, qui reconnait que la prescription a pour objet non pas le droit subjectif, mais l'action, comprise comme le droit de demander à qui de droit ou la satisfaction du droit par un comportement actif ou passif [Limitation Act 1980 anglais et paragraphe 2.93 du rapport de la English Law Commission, présenté au Parlement en 2001 (The Law Commission - Law Com, n° 270-, Limitation of actions. Item 2 of the Seventh Programme of Law Reform-]. Ce point de vue fait subsister le droit subjectif après l'expiration du délai de prescription, bien que le bénéficiaire puisse refuser d'exécuter la prestation ou s'opposer d'une autre manière à l'exercice du droit (dans le même sens, voir § 194.1 et § 214.1 BGB). Néanmoins, au Royaume-Unis, le Prescription and Limitation Act 1973 écossais s'éloigne de cette conception.

Les territoires de droit néerlandais disposent d'une réglementation découlant de l'article 3:306 du code civil néerlandais, qui ramène la prescription à l'exercice des droits au moyen d'actions (article 3:306 du code civil surinamais).

Certains systèmes juridiques de langue espagnole et certains territoires de tradition française ou sous influence du droit français ont opté pour une solution différente. La prescription y est un mode d'extinction des actions ou des droits (articles 1.625 et 2.512 du code civil colombien : articles 633, 865, 866 et 868 du code civil costaricain : article 112 du code civil cubain : article 2.219 des codes civils français et dominicain : article 1.501 du code civil guatémaltèque : article 2.263 du code civil hondurien : article 1.684 du code de commerce hondurien : article 1.698 du code civil panaméen, article 1.830 du code civil portoricain, article 1.069 du code civil saint-lucien) ou un mécanisme permettant de se libérer de l'exécution des obligations (article 1.135 du code civil mexicain, articles 868 et 869 du code civil nicaraguayen, article 1.952 du code civil vénézuélien et article 2.047 du code civil saint-lucien).

3. La prescription dans les textes d'harmonisation du droit contractuel

L'intérêt d'établir une réglementation relative à la prescription apparait invariablement dans tous les textes internationaux d'unification du droit contractuel comme un mécanisme permettant de résoudre les conflits qui, dans les opérations de commerce international, présentent des divergences entre les différents systèmes en ce qui concerne la base conceptuelle, les délais et les effets de la prescription.

Dans ces textes, la prescription ne produit pas automatiquement un effet extinctif, mais permet au bénéficiaire de l'utiliser comme moyen de protection contre la réclamation ou l'exercice procédural de l'action par le créancier. C'est le cas de la Convention de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises de 1974 (ci-après convention de la CNUDCI), qui établit des règles uniformes relatives au délai dans lequel les parties à un contrat de vente internationale de marchandises peuvent faire valoir une action émanant du contrat, liée à son inexécution, à sa résiliation ou à sa validité. Il faut cependant prendre en compte que cette convention, entrée en vigueur le 1er août 1988, est d'une efficacité limitée dans le domaine géographique de l'OHADAC, vu qu'elle n'a été ratifiée que par peu d'États (Cuba, États-Unis, Mexique et République Dominicaine), ce qui justifie que les Principes OHADAC établissent un traitement spécifique de la matière.

La prescription fait l'objet d'une attention particulière dans le chapitre 10 des Principes d'UNIDROIT, dans la partie III des PECL et dans le chapitre 7 du livre III du DCFR qui, avec de légères nuances, reprennent les dispositions des PECL. Tous ces textes tendent ouvertement à ce que l'on pourrait dénommer la conception protectrice de la prescription. C'est le critère qu'ont adopté les Principes d'UNIDROIT, qui configurent la prescription comme une limite à l'exercice des droits (article 10.1) et affirment de manière expresse que l'expiration du délai de prescription n'éteint pas le droit (article 10.9). Les PECL (articles 14:101 et 14:501) et le DCFR (article III-7:101) vont également dans ce sens. Terminologiquement, les PECL visent les « claims subject to prescription », tandis que le DCFR utilise les « rights subject to prescription » comme dénomination générale.

Cette même conception existe dans la Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente (2011), qui prévoit, comme effet de la prescription, que « le débiteur est fondé à refuser d'exécuter l'obligation en cause et le créancier perd tous les moyens d'action possibles en cas d'inexécution sauf la suspension de l'exécution » (article 185 CESL).

4. Portée de la prescription dans les Principes OHADAC

Une fois les différentes optiques conceptuelles sur la prescription analysée, le point le plus notable du débat, sans aucun doute, ne porte pas sur ce que sera l'objet mais sur les conséquences qui en découlent. Et il est certain que les effets qui découlent de chacune de ces conceptions (renonciation à la prescription obtenue, admissibilité ou non de la répétition de la dette prescrite spontanément acquitté, opposabilité de l'action prescrite par voie de compensation, appréciation ou non d'office de la prescription, etc.) ne présentent pas toujours une bonne cohérence.

D'un côté, la prescription étant conçue comme un phénomène provoquant l'extinction de droits, il est difficile de justifier certaines dispositions telles que la nécessité de son invocation, la possibilité de renoncer à la prescription expirée et le rétablissement conséquent du droit prescrit ou l'irrépétibilité du paiement une fois le délai de prescription expiré.

D'un autre côté, si la prescription est conçue comme un instrument de protection dont l'appréciation relève uniquement des parties, il n'est pas aisé d'interdire la modification des délais de prescription ou d'appliquer le principe accessoire par voie conventionnelle, de sorte que, une fois que la prescription est invoquée pour la demande principale, ses effets s'étendent à des demandes relatives aux prestations accessoires.

La règle ici proposée, fidèle au consensus minimum des présents Principes, répond à ce qui peut être considéré comme le socle commun à cette institution dans les pays faisant partie de l'OHADAC : la prescription influe sur les pouvoirs concrets découlant de la conclusion du contrat que chacune des parties peut exercer à l'égard de l'autre. La règle porte sur la prescription des droits et des actions que les parties peuvent exercer dans le cadre du contrat, qui englobent non seulement les droits principaux qui appartiennent aux parties au contrat conformément aux présents Principes (demander l'exécution, exercer tout recours découlant de l'inexécution, faire valoir l'invalidité du contrat), mais aussi ceux qui naitront de l'accord contractuel pour chacune d'entre elles, comme, par exemple, l'exécution d'une clause pénale.

Exemple : Dans un contrat de prestation de services de conseil entre le consultant A et l'entreprise B, qui se consacre à la fabrication de produits informatiques, il est inséré une clause de confidentialité par laquelle A s'engage à ne révéler aucune information sur le processus de production de l'entreprise B, stipulant, qu'en cas d'inexécution, et en plus de l'indemnisation correspondante, sera dû le paiement d'une somme d'un million d'euros. L'action en dommages et intérêts ainsi que celle en réclamation de la peine sont soumises au délai de prescription.


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