PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 5.1.1

Contrats à durée indéterminée

1. Une partie peut, unilatéralement et à tout moment, résilier un contrat à exécution successive et à durée indéterminée sans besoin d'invoquer une cause, pourvu qu'elle le notifie moyennant un préavis raisonnable.

2. Pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté, la partie qui décide de résilier le contrat doit uniquement compenser l'autre partie pour les dépenses raisonnables engagées en vue de l'exécution du contrat.

Les systèmes juridiques sanctionnent par la nullité les obligations sine die. Historiquement, les codes civils inséraient habituellement un article relatif au louage de services, par lequel était prohibé le contrat pour la vie, et dont certains d'entre eux subsistent encore aujourd'hui (article 1.780 des codes civils français et dominicain : article 1.550 du code civil haïtien : article 1.754 du code civil hondurien : article 2.995 du code civil nicaraguayen : article 1.335 du code civil panaméen : article 1.569 du code civil saint-lucien).

Nonobstant, il est généralement admis que les parties concluent un contrat dans lequel la durée n'est pas prévue à l'avance, ni ne peut non plus l'être du fait de la nature de l'engagement ou des circonstances, ou dans lequel il est expressément établi que le contrat est conclu pour une durée indéterminée. La validité de ces contrats est subordonnée, de manière générale, dans les systèmes romano-germaniques comme dans ceux de common law, au fait que les parties puissent se libérer unilatéralement (avec ou sans délai de préavis). Ainsi, par exemple, le code civil français établit expressément dans son article 1.780 qu'il n'est possible d'engager ses services qu'à temps. Par conséquent, le louage de services non limité dans le temps pourra prendre fin par la volonté de l'une quelconque des parties contractantes. Et une disposition similaire existe dans l'article 1.755 du code civil hondurien.

Cette possibilité de résilier unilatéralement le contrat est une exception aux principes du respect et de l'irrévocabilité des contrats (article 1.2 des Principes OHADAC et son commentaire), pour les contrats à durée indéterminée.

Les systèmes juridiques de la zone OHADAC, sans contenir une règle générale sur la résiliation des contrats hors du champ du droit de la consommation, contiennent en effet des dispositions pour les contrats à durée déterminée qui naissent pour durer comme, par exemple, le contrat de construction (article 1.794 des codes civils français et dominicain : article 2.011 du code civil guatémaltèque : article 7:764 des codes civils néerlandais et surinamais : article 1.346 du code civil panaméen : article 1.639 du code civil vénézuélien), la société (article 1.246 du code civil costaricain : article 1.865 du code civil dominicain : articles 1.844.7 du code civil français : article 1.634 du code civil haïtien : article 1.879 du code civil hondurien : article 2.720 du code civil mexicain : article 3.285 du code civil nicaraguayen : article 1.391 du code civil panaméen : 1.591 du code civil portoricain : 1.673 du code civil vénézuélien), le contrat de représentation (article 2.189 du code civil colombien : article 1.278 du code civil costaricain : article 409 du code civil cubain : article 2.003 des codes civils français et dominicain : article 1.717 du code civil guatémaltèque : article 1.767 du code civil haïtien : article 1.911 du code civil hondurien : article 2.595 du code civil mexicain : article 3.345 du code civil nicaraguayen : article 1.423 du code civil panaméen : article 1.623 du code civil portoricain : article 1.655 du code civil saint-lucien : article 1.704 du code civil vénézuélien) : le contrat de services en général (article 7:408 des codes civils néerlandais et surinamais), et la commission ou la représentation commerciale (article 1.279 du code de commerce colombien : article 197 du code de commerce portoricain).

Les codes des pays de la Caraïbe issus du droit romano-germaniques prévoient habituellement que dès lors que les parties n'ont pas convenu d'une date précise d'expiration du contrat à durée indéterminée, les parties pourront y mettre fin par notification et moyennant un préavis suffisant. Une disposition qui figure, pour le contrat de louage de choses, dans les articles 1.151 du code civil costaricain, 7:228.2 des codes civils néerlandais et surinamais, 1.717 du code civil hondurien, 2.478 du code civil mexicain, 1.322 du code civil panaméen, 1.560 du code civil saint-lucien et article 1.615 du code civil vénézuélien : pour le contrat commercial d'approvisionnement, dans les articles 977 du code de commerce colombien et 802 du code de commerce hondurien : pour l'hébergement commercial, dans les articles 1.197.2 du code de commerce colombien et 871 du code de commerce guatémaltèque : et pour le contrat d'agence, dans l'article 7:437 des codes civils néerlandais et surinamais.

De la même manière, le droit anglo-américain permet aux parties de se libérer d'un contrat à durée indéterminée (prestation de services de conseil, approvisionnement, licence...), en leur concédant la possibilité de mettre fin unilatéralement au contrat, sans être tenues d'invoquer une cause quelconque et sans nécessité, non plus, de préavis si celui-ci n'a pas été prévu au contrat [Baird Textile Holdings Ltd v Mark & Spencer (2001), EWCA Civ 274 : Crediton Gas Co v Crediton Urban Council (1928), Ch. 147 44 : Jani King (GB) Ltd v Pula Enterprises Ltd (2007), EWHC 2433 QB (2008) : Servicepower Asia Pacific Pty Ltd v Service-power Business Solutions Ltd (2009) EWHC 179 (2010) : sections 3:06 (5) et 3:10 du Restatement Third of Agency : section 118 du Restatement Second of Agency]. Toutefois, la jurisprudence anglaise a considéré que si l'accord ne contient pas de clause prévoyant expressément aux parties la faculté de résilier, elle ne figurera pas systématiquement comme implied term, mais il sera possible d'appliquer la « presumption of perpetual duration » dans les contrats dans lesquels aucune durée déterminée n'est prévue [Llanelly Ry & Dock Co v L & NW Ry (1875), LR 7 HL 550].

Les articles 5.1.8 PU, 6:109 PECL et III-1:109 (2) DCFR retiennent la possibilité de résilier les contrats à durée indéterminée, à condition de l'assortir d'une obligation de donner un préavis dans un délai raisonnable.

En écho à ce qui a été mentionné précédemment, le paragraphe premier de l'article proposé par les Principes OHADAC régit la résiliation, comme étant la manière la plus habituelle de mettre fin au contrat à durée indéterminée, sans avoir besoin d'invoquer un motif légitime et qui est soumise à un délai de préavis raisonnable afin d'éviter les préjudices découlant de l'exercice de cette faculté. La résiliation adressée dans un délai raisonnable a pour but d'équilibrer les intérêts des deux parties au contrat : l'intérêt de celui qui souhaite se dégager du contrat et l'intérêt de celui qui préfère poursuivre le contrat, car il a effectué des investissements en vue de son exécution, qui ne seront rentables que dans le cas où le contrat dure pendant un temps déterminé, ou car cela va être compliqué pour lui de conclure immédiatement un contrat similaire avec une autre personne.

La présente disposition vient « combler une lacune » des systèmes de common law qui, hormis concernant le contrat d'agence, ne contiennent aucune disposition imposant un préavis, ni ne permettent de déduire une durée implicite du contrat [Baird Textile Holdings Ltd v Mark & Spencer (2001), EWCA Civ 274].

Le caractère raisonnable du préavis dépendra de multiples facteurs, parmi lesquels se trouvent la nature et l'objet du contrat, le temps qu'il a duré, les investissements raisonnables qui ont été réalisés et les circonstances économiques ainsi que de tout autre type de situations déterminant le moment où la résiliation peut être effectuée, etc. Toutefois, compte tenu de la variété des situations susceptibles de se produire, il est préférable pour certains contrats que les parties s'accordent sur un délai par une clause spécifique au contrat et ce afin d'éviter tout problème d'interprétation.

Exemple 1 : La société financière A conclut un contrat avec les services juridiques de la société professionnelle d'avocats B pour une durée indéterminée. Chacune des parties peut résilier unilatéralement le contrat en le notifiant à l'autre moyennant un préavis raisonnable.

Le préavis constitue en droit une charge, qui donne lieu à indemnisation en cas d'inexécution. En effet, comme l'énonce le paragraphe deux de la présente disposition, la partie qui résilie le contrat en respectant le délai de préavis convenu devra seulement compenser les frais raisonnables qui auraient été engagés par l'autre partie contractante en vue de l'exécution du contrat, et qui ne pouvaient être évités malgré le dépôt du préavis (étant des investissements réalisés antérieurement).

Toutefois, la partie qui ne respecte pas le délai de préavis nuit aux intérêts de l'autre partie et est tenue de l'indemniser pour inexécution du contrat, conformément aux dispositions de la section 4 du chapitre 7 des présents Principes.

Exemple 2 : Reprenant les faits de l'exemple 1, si l'entreprise de construction décide de mettre fin au contrat avec la société professionnelle d'avocats B, sans l'en informer suffisamment à l'avance, elle devra l'indemniser non seulement pour les investissements raisonnables que B aura réalisés en vue de l'exécution du contrat mais également pour le manque à gagner, par exemple, du fait du refus de se charger d'autres clients, et en outre pour les frais découlant de l'inexécution susceptibles d'être indemnisés conformément aux présents Principes.

Enfin il ne faut pas confondre la résiliation unilatérale comme mode ordinaire de mettre un terme à un contrat à durée indéterminée, avec le cas d'exécution plus onéreuse (hardship) prévue à l'article 6.3.1 des présents Principes. Dans le hardship, des circonstances imprévues rendent la prestation excessivement onéreuse pour l'une des parties, qui pourra résilier le contrat sans préavis (ou le renégocier si les parties en conviennent ainsi). La présente disposition, quant à elle, ne nécessite pas un changement de circonstances, car il s'agit d'une résiliation ad nutum dont l'unique condition porte sur l'existence d'un contrat à durée indéterminée et sur le respect d'un délai de préavis.

CLAUSES DE FIXATION DU DÉLAI DE PRÉAVIS

Tel que cela a été indiqué, parfois, il s'avère opportun d'insérer dans le contrat une clause par laquelle les parties déterminent le délai de préavis adéquat, afin d'éviter le préjudice inhérent à la confiance que les parties ont dans l'exécution du contrat.

Option A : Clause avec un délai fixe de préavis

« Les parties pourront mettre fin au présent contrat, par résiliation unilatérale et sans avoir à invoquer un quelconque motif, moyennant un préavis écrit d'un délai de (...). »

Option B : Clause avec un délai de préavis variable

« Pendant la durée du contrat, à tout moment et sans avoir à invoquer un quelconque motif, les parties peuvent unilatéralement résilier le contrat, moyennant un préavis écrit d'un délai d'un mois par année de contrat sans pouvoir dépasser six mois. »


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