PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 4.2.1

Intégration du contrat

1. Le contenu du contrat résulte exclusivement de l'accord des parties.

2. Si les parties n'ont pas expressément convenu une clause contractuelle qui est déterminante de leurs obligations respectives, cette clause peut être déduite de manière implicite au regard de son caractère objectivement raisonnable et de la finalité du contrat.

1. Options de règlementation des instruments régissant les omissions du contrat

Le présent article vise à combler les lacunes contractuelles. Cela présuppose que le contrat ait été valablement conclu. Par conséquent, il faudra prendre en considération en particulier les dispositions du chapitre 2 des présents Principes en ce qui concerne les conditions minimales de pour déterminer l'objet du contrat qui sont nécessaires pour établir sa conclusion. Un contrat initialement incomplet ou qui n'est pas suffisamment déterminé peut souvent être considéré comme conclu du simple fait que les parties l'ont exécuté. Dans d'autres cas, indépendamment de ce fait, le contrat sera considéré comme conclu même s'il présente des lacunes concernant des aspects sans influence sur sa conclusion. Dans tous les cas, le juge ou l'arbitre est confronté au besoin de pallier les omissions du contrat en comblant les lacunes de l'engagement des parties.

De même que pour l'interprétation du contrat, il existe deux approches opposées en droit comparé permettant de combler les lacunes du contrat et de permettre son fonctionnement ou sa construction. Les systèmes romano-germaniques partent généralement d'un critère flexible laissant initialement une grande liberté interprétative quant au comblement des lacunes. Ce critère s'inspire parfois d'une règle à texture ouverte qui insère une « clause générale ». La plus répandue dans les codes civils des systèmes caribéens part du postulat que le contrat n'oblige pas seulement à ce que les parties ont expressément stipulé, mais aussi aux exigences découlant de la « bonne foi », de l'« équité » ou de la « nature du contrat » [article 1603 du code civil colombien : article 1.023 du code civil costaricain : article 1.135 des codes civils dominicain et français : article 1.159 du code civil guatémaltèque : articles 925 et 926 du code civil haïtien : article 1.546 du code civil hondurien : articles 6:2 et 6:248 des codes civils néerlandais et surinamais : article 1.796 du code civil mexicain : article 2.480 du code civil nicaraguayen : article 1.109 du code civil panaméen : article 1.210 du code civil portoricain : article 956 du code civil saint-lucien : 1.160 du code civil vénézuélien]. Cette tendance est également maintenue dans les articles 3, 11 et 103 de l'avant projet de réforme du droit français des obligations de 2013. Le principe interprétatif souligné est aussi palpable aux États-Unis (sections 1-203 UCC et 205 du Second Restatement of Contracts). Les articles 1.621.II du code civil colombien et 1.160 des codes civils dominicain et français va dans le même sens, en prévoyant que les clauses d'usage courant sont présumées même si elles ne sont pas expressément rédigées.

En revanche, le droit anglais utilise la doctrine des dits « termes implicites » afin de combler les lacunes contractuelles. La doctrine anglaise présente une ressemblance remarquable aves les systèmes romano-germaniques sur un point : les dits « implied-in-law terms », c'est-à-dire les obligations contractuelles imposées par la loi, la coutume ou la jurisprudence et qui coïncident avec l'exigence générale des systèmes romano-germaniques en ce qui concerne la soumission du contrat aux exigences impératives, en plus des accords entre les parties. La question, cependant, est controversée en ce qui concerne la méthode utilisée pour combler les lacunes dans le domaine plus large des obligations soumises à l'autonomie de la volonté des parties. À cet égard, la jurisprudence anglaise se sert des dits « implied-in-fact terms », c'est-à-dire des termes ou des obligations contractuels dont les parties ne sont pas convenues, mais qui sont raisonnables et surtout nécessaires pour que le contrat ait un sens commercial. Les critères traditionnels de la jurisprudence anglaise (officious bystander test et business efficacity test) sont suivis dans les systèmes caribéens de la common law. En témoignent, par exemple, les décisions de la High Court de Trinité-et-Tobago dans les affaires Costa v Murray and Murray (Carilaw TT 1977 HC 82) et Pierre v Port Authority of Trinidad y Tobago (Carilaw TT 1969 HC 23), cette dernière se rapportant à l'obligation de transporter les marchandises de manière sûre et appropriée en tant que terme implicite dont les parties n'ont pas à convenir expressément.

La différence entre les clauses générales des systèmes romano-germaniques et les obligations implicites du droit anglais réside dans les critères qui permettent de déduire une obligation dont les parties ne sont pas convenues. Tandis que les premiers s'orientent vers des critères de justice (bonne foi) ou d'équité, le droit anglais se base de préférence sur des critères de simple efficacité économique du contrat, reconnaissant les obligations implicites qui sont indispensables pour que le contrat fonctionne ou ait un sens commercial (caractère raisonnable), mais indépendamment de toute considération quant à leur caractère juste ou équitable et à l'exclusion de toute bonté axiologique. Cette tendance est visible, par exemple, dans la décision du Privy Council (Sainte-Lucie) dans l'affaire Marcus v Lawaetz (Carilaw LC 1986 PC 2). Néanmoins, comme cela a été souligné dans le commentaire à l'article 4.1.2, bien que récemment en droit anglais une tendance à considérer la bonne foi comme élément interprétatif et correctif puisse être observée, cette tendance reste controversée.

Les deux formules mentionnées semblent se combiner, mais seulement en apparence, dans les projets de codification les plus récents du droit international des contrats. Dans certains cas, ces approches sont toutes deux reflétées, de manière confuse. Par exemple, les PU ont introduit une règle spécifique (article 4.8) qui vise à offrir une solution adéquate en ajoutant à l'intention des parties et à la nature et finalité du contrat des critères généraux tels que la bonne foi et la loyauté contractuelle, voire le plus simple « sens commun ». Il est important de remarquer, cependant, que les mêmes critères sont employés à l'article 5.2 PU afin de définir les « obligations implicites ». Une comparaison des exemples et des commentaires aux deux articles met en évidence qu'il n'existe pas de réelle distinction entre une lacune comblée en utilisant les critères interprétatifs de l'article 4.8 et une obligation implicite déduite conformément à l'article 5.2 avec les mêmes critères. Mais il est certain que s'il y a obligation implicite, il ne convient donc pas de parler de lacunes, si bien que l'article 4.8 ne serait jamais appliqué.

Dans ce sens, la règlementation proposée dans l'article 6:102 PECL semble plus cohérente. Sous la rubrique « obligations implicites », les PECL établissent un seul critère en cas d'omission du contrat. D'une certaine manière, la terminologie s'approche du droit anglais, bien qu'il existe toujours une différence essentielle concernant les sources de ces obligations implicites : l'intention des parties, la nature et l'objet du contrat ainsi que la bonne foi. Avec de légers changements, le modèle de réglementation des PECL est conservé dans les articles II-9:101 DCFR et 68 CESL, qui introduisent la particularité notable d'exclure un tel instrument si les parties ont assumé volontairement les risques de la lacune, donnant priorité dans ce cas-là à la littéralité du contrat.

2. Règle du minimum

Aujourd'hui, il parait impossible de rédiger une règle convergente en matière d'omission du contrat dans les systèmes romano-germaniques et dans les modèles caribéens de la common law.

La formulation proposée est consciemment vague et ouverte afin de permettre d'incorporer les deux cultures dominantes. Ainsi, elle n'empêche ni n'exige d'insérer une obligation dont les parties sont convenues et s'inspirant de l'équité ou de la bonne foi afin de déterminer le caractère raisonnable d'un terme à la lumière de la finalité du contrat. Il faut remarquer, d'un côté, que nombre de systèmes romano-germaniques ont une pratique contraire de facto à la modification des obligations des parties en vertu de critères de justice matérielle, en particulier dans des branches commerciales spécialisées. D'un autre côté, il faut prendre en considération que la règle contenue à l'article 4.1.1 empêche l'altération du contrat si ses clauses sont claires. En réalité, la règle proposée, sans forcer la résistance du droit anglais à la notion de bonne foi, n'empêche pas non plus de la prendre en considération, de sorte qu'elle peut être acceptée par tous les systèmes concernés sans prendre le risque que la divergence de solutions n'augmente de manière remarquable, étant donné la diversité de critères que l'intégration du contrat provoque dans les jurisprudences nationales elles-mêmes.

En outre, si les parties souhaitent insérer expressément un critère équitable pour pallier les omissions du contrat, s'inspirant des critères de bonne foi, elles peuvent décider d'insérer dans le contrat une clause spécifique, dont les effets seront admis par les tribunaux ou les arbitres appartenant aux systèmes issus du droit anglais.

CLAUSE DE BONNE FOI

« Ce contrat doit être interprété conformément à la bonne foi. Chaque partie doit observer les exigences de bonne foi et par conséquent garantir que, dans le cadre des accords conclus avec l'autre partie, elle ne commettra pas d'actes ou d'omissions susceptibles de porter atteinte ou de réduire les droits, les biens ou les intérêts de l'autre partie. Chaque partie doit collaborer le plus possible avec l'autre afin de s'assister mutuellement ».


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