PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 4.1.1

In claris non fit interpretatio

1. Une clause claire s'interprète conformément à son sens littéral.

2. Une clause ne sera pas réputée claire si elle admet des sens différents ou si, à la lumière du contexte, il résulte que sa formulation relève d'une erreur manifeste.

1. Le problème général de l'interprétation du contrat dans les systèmes de l'OHADAC

Les règles d'interprétation du contrat suscitent l'une des questions les plus ardues dans le traitement de la dynamique contractuelle d'un point de vue comparé, comme cela sera souligné en particulier dans le commentaire de l'article 4.1.2. Néanmoins, tous les systèmes distinguent et donnent des solutions diverses à deux types de questions qui sont généralement comprises dans la notion générique de « l'interprétation du contrat ». La première question concerne le sens ou la signification accordée aux clauses contractuelles. L'interprétation du contrat, à laquelle est consacrée la section première du chapitre 4 des présents Principes, correspond à cette opération au sens strict. La deuxième question concerne le comblement des lacunes du contrat quand une obligation ou une disposition nécessaire au fonctionnement du contrat a été omise par les parties. Il s'agit dans ce cas-là des règles d'« intégration » ou de « construction » du contrat, traitées dans l'article 4.2.1 des présents Principes.

L'interprétation du contrat au sens strict vise donc à attribuer un sens aux clauses contractuelles explicites. Deux grandes approches comparées existent afin de résoudre cette question et toutes deux sont représentées dans la région caribéenne.

La première approche, caractéristique du droit continental ou romano-germanique, cherche à déterminer le sens des clauses contractuelles à partir d'un postulat subjectif qui vise à déterminer la véritable intention commune des parties, qui prévaut sur le sens littéral des clauses écrites (article 1.156 du code civil français : article 1.619 du code civil colombien : article 1.156 du code civil dominicain : article 946 du code civil haïtien : articles 1.519, 1.597 et 1.604 du code civil guatémaltèque : article 1.851 du code civil mexicain : article 2.496 du code civil nicaraguayen : article 1.132 du code civil panaméen : article 1.233 du code civil portoricain : article 945 du code civil saint-lucien). Ce principe existe aussi dans certains canons interprétatifs (article 1.619 du code civil colombien : article 1.594 du code civil guatémaltèque : article 1.163 des codes civils dominicain et français : article 953 du code civil haïtien : article 1.578 du code civil hondurien : article 1.852 du code civil mexicain : article 2.498 du code civil nicaraguayen : article 1.134 du code civil panaméen : article 1.235 du code civil portoricain : article 952 du code civil saint-lucien), qui réduisent la généralité des clauses contractuelles, de manière à ce que des choses et des cas différents de ceux sur lesquels les parties souhaitaient s'engager ne puissent être compris dans le contrat. Ce principe subjectiviste est maintenu dans l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013 (article 96), bien qu'il s'oriente de manière plus évidente vers une règle d'objectivisation d'une telle volonté, qui se fait conformément à un critère « raisonnable » quand l'intention ne peut être déduite, tandis que l'interprétation subjective et intentionnelle apparait davantage comme un principe. Il s'agit d'une orientation retenue dans la plupart des textes internationaux de droit uniforme [article 8 CVIM : article II-8:101 DCFR : article 5:101 PECL : article 4.1. (1) PU].

La deuxième approche, qui caractérise le modèle anglo-américain, prend en compte de préférence les données objectives ou grammaticales et est centrée sur le sens des termes employés par les parties. La rigueur de cette interprétation stricte des termes du contrat (four corners doctrine) se base essentiellement sur la parole evidence rule, qui empêche le recours aux déclarations et aux preuves étrangères au contrat afin de moduler, de modifier ou de changer ce que les termes expriment. Récemment, la rigueur formaliste de l'interprétation grammaticale du droit anglais traditionnel a néanmoins subi d'importantes modifications. D'un côté, le droit nord-américain s'est progressivement adapté vers un modèle d'interprétation plus ouvert aux éléments subjectifs, comme le suggèrent la section 201 (2) du Second Restatement et l'application même par les tribunaux nord-américains de l'article 8 CVIM. D'un autre côté, le droit anglais a lui aussi évolué sur ce point, en particulier grâce à l'importance croissante du « contexte » en tant qu'élément essentiel de l'interprétation des termes des contrats. Ce changement semble s'être accentué à partir la décision de la House of Lords dans l'affaire Investors Compensation Scheme Ltd. v. West Brownwich Building Society (1998 : 1 WLR, 896), dans laquelle Lord Hoffmann énonce plusieurs principes qui exigent de prendre en considération tout aspect contextuel afin d'interpréter les clauses du contrat et même afin de déterminer son ambiguïté même. Il a également été affirmé que la parole evidence rule est aujourd'hui « lettre morte » en droit anglais.

L'orientation objectiviste progressivement adoptée par les systèmes romano-germaniques, associée à l'atténuation du formalisme interprétatif de la common law, a donc récemment permis une convergence qui, bien qu'elle ne conduise pas à un rapprochement définitif des deux modèles, facilite au moins la proposition de règles uniformes qui peuvent être essentiellement partagées par toutes les familles juridiques faisant partie du territoire de l'OHADAC.

2. La portée du principe « in claris non fit interpretatio »

Quelle que soit l'option générale adoptée afin d'orienter le processus d'interprétation des termes contractuels ambigus, il existe un point commun entre tous les systèmes lié à la portée du principe et résumé dans l'aphorisme « in claris non fit interpretatio ». Dans une certaine mesure, l'interprétation des termes du contrat est nécessaire uniquement si le sens des termes n'est pas évident ou manifestement clair. Si les termes sont limpides, la question ne se pose pas (premier paragraphe de l'article 4.1.1).

D'un point de vue purement linguistique, il convient de souligner qu'en réalité il n'existe pas de termes clairs, puisque le sens dépend nécessairement du contexte. Néanmoins, d'un point de vue juridique, le principe remplit une fonction importante concernant la sécurité juridique, de sorte que si les clauses d'un contrat sont claires, univoques et non contradictoires, le juge ou l'arbitre doit s'en tenir à leur sens sans permettre aux parties de les dénaturer en faisant appel à des éléments contextuels contradictoires.

Le principe a été repris expressément, bien que de manière nuancée, dans plusieurs systèmes juridiques de la Caraïbe (p. ex. article 52 du code civil cubain). La jurisprudence française (p. ex. arrêts de la Cour de Cassation du 15 avril 1982 et du 14 décembre 1942) privilégie en particulier le sens littéral d'une « clause claire et précise », qui apparait à l'article 97 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013. La formulation du code civil espagnol [article 1.281, que partagent le code civil mexicain (article 1.851), le code civil guatémaltèque (article 1.593), le code civil nicaraguayen (article 2.496), le code civil hondurien (article 1.576), le code civil panaméen (article 1.132) et le code civil portoricain (1.233)] semble admettre plus facilement la primauté des circonstances contextuelles qui font prévaloir la « véritable intention » sur les clauses écrites. Cependant, il faut remarquer que ces codes exigent souvent la présence d'une intention « évidente » des parties contraire au texte clairement écrit, si bien que, en réalité, cela se recoupe avec l'exception de l'erreur ou du lapsus linguae manifeste régi par le paragraphe deux de l'article 4.1.1 des présents Principes.

La règle proposée ne s'oriente donc pas vers le modèle d'interprétation littérale, qui pendant longtemps a caractérisé le droit anglais ainsi que plusieurs systèmes caribéens, en particulier insulaires. En effet, selon la conception la plus classique du droit anglais, l'interprétation grammaticale du contrat ne se limite pas au sens des termes dans le langage ordinaire (langage primaire), puisqu'il est admis que les parties peuvent employer un langage spécialisé (langage secondaire). Dans ce cas, lorsqu'un même terme d'un contrat peut avoir un sens ordinaire et un sens différent dans un langage ou jargon spécialisé, ce terme n'est pas clair au sens du paragraphe deux du présent article et, par conséquent, le principe énoncé au premier paragraphe du présent article ne sera pas applicable.

Il est certain qu'en droit anglais, bien qu'après l'arrêt de la House of Lords dans l'affaire Investors Compensation Scheme Ltd. v. West Brownwich Building Society (1998 : 1 WLR, 896) une interprétation des termes du contrat contextualisée ait primé, le contexte ne peut servir de prétexte pour corriger des termes clairs et précis (BCCI v. Ali (2001), 2 WLR, 731). Le sens ne diffère donc pas de la portée du principe tel qu'il est énoncé dans les systèmes continentaux. La différence réside dans le fait que, apparemment, les systèmes romano-germaniques sont plus enclins à apprécier des éléments contextuels qui reflètent la véritable intention des parties afin de considérer qu'une clause contractuelle n'est pas claire. En tout cas, les deux cultures juridiques peuvent conduire à des divergences inévitables quand il s'agit de déterminer si un terme est clair au sens de l'article 4.1.1 (premier paragraphe), ou ambigu au sens de l'article 4.1.1 (deuxième paragraphe). Mais bien que ces divergences semblent inévitables quelle que soit la juridiction compétente, cela n'empêche pas que la règle prévue à l'article 4.1.1 soit partagée par tous les systèmes de la zone OHADAC.

En outre, dans les systèmes romano-germaniques ainsi que dans la common law, il existe des exceptions pour les lapsus calami, c'est-à-dire les expressions qui paraissent claires mais qui présentent une erreur ou un lapsus manifeste à la lumière des circonstances du contrat. Tandis que les systèmes continentaux donnent une réponse à ces cas en faisant prévaloir la véritable intention des parties, le droit anglais utilise l'action de rectification dérivée de l'equity law pour les résoudre. Bien qu'il s'agisse de formules différentes, dont les présents Principes ne préjugent pas l'application, elles sont toutes deux compatibles avec l'exception contenue à l'article 4.1.1 (deuxième paragraphe).


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