PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 3.4.1

Vices du consentement

L'erreur, le dol, la contrainte et l'abus de faiblesse ou de dépendance sont des vices du consentement.

Les systèmes juridiques de la Caraïbe ont en commun, dans certaines situations, de permettre l'annulation du contrat quand l'une quelconque des parties a prêté un consentement vicié. Conformément à la typologie retenue, constituent des vices de consentement l'erreur, le dol, la contrainte et l'abus de faiblesse ou de dépendance. Les catégories proposées reposent sur les mêmes critères de neutralité que l'ensemble des dispositions qui gouvernent les présents Principes. Les catégories de vices mentionnées visent à donner un espace suffisant pour accueillir les contenus ou les institutions qui, présents dans les systèmes de la Caraïbe, servent des fonctions similaires.

La classification adoptée permet de regrouper les principales situations contractuelles dans les systèmes de la Caraïbe quant à l'application du régime des vices du consentement. Par ce regroupement et cette comparaison juridique, les présents Principes prétendent non seulement contribuer à la connaissance et la clarification de la réglementation des vices de consentement dans les systèmes de la Caraïbe, mais ils visent également à vérifier et proposer les lignes de convergence possible face à une vision harmonisatrice dans un cadre pluriculturel.

Les présents Principes reprennent la classification des vices du consentement qui comprennent ceux figurant dans les codes traditionnels et auxquels s'ajoutent l'abus de faiblesse et de dépendance qui découlent de la undue influence propre à l'equity law. Cette catégorie, originaire de la common law, est contenue d'une manière générale et sous différentes formes par les textes européens et internationaux relatifs au droit des contrats. La classification s'apparente donc au schéma suivi par d'autres textes sur le droit des contrats, qui ont également dû résoudre des problèmes de coordination entre les institutions afin de proposer une construction juridique d'utilité commune pour la sphère du droit continental et celle de la common law, tels que les PU, le DCFR, les PECL et la CESL.

Alors que les PU considèrent l'erreur, le dol, la contrainte et l'avantage excessif (articles 3.2.1 à 3.2.7) comme étant des causes d'annulation du contrat, les PECL traitent dans le chapitre général de la validité du contrat de l'erreur (article 4:103), du dol (article 4:107), de la contrainte (article 4:108), de l'avantage excessif ou injuste (article 4:109) et des clauses abusives dans les contrats non négociés individuellement (article 4:110). Le DCFR quant à lui répertorie parmi les vices du consentement : la mistake (article II-7:201), la fraud (II-7:205), la coercion or threats (article II-7:206) et la unfair exploitation (article II-7:207) : enfin, la CESL vise l'erreur (article 48), le dol (article 49), les menaces (article 50) et l'exploitation déloyale (article 51).

Les présents Principes, tout en suivant la tendance des textes mentionnés ci-dessus et se référant au traitement qui en est fait dans les multiples systèmes de la Caraïbe, ont écarté des vices du consentement la violence physique ou vis absoluta qui ne peut pas être associée aux autres vices du fait de l'absence totale de volonté. Le traitement de ces situations relèvera du régime établi par l'article 3.1.1.

Les catégories proposées ne présentent pas de difficultés particulières pour les systèmes juridiques qui sont sous l'influence romano-germanique. Ils considèrent que l'erreur, la violence, la contrainte et le dol sont des vices du consentement. Certains systèmes adoptent cette classification de manière littérale (article 1.556 du code civil hondurien : article 1.116 du code civil panaméen : article 1.217 du code civil portoricain). D'autres ont établi des variantes exclusivement terminologiques (articles 2.455, 2.457 et 2.460 du code civil nicaraguayen, qui utilisent l'expression « force » pour les situations de violence et « peur grave » pour les cas de contrainte : les articles 69 et 71 du code civil cubain, emploient le terme de « fraude » pour se référer à des situations qui sont considérées comme du dol dans d'autres systèmes : les articles 1.015 a 1.020 du code civil costaricain considèrent comme vices du consentement, l'erreur la force ou la peur grave, la contrainte et le dol). Enfin, d'autres dispositions afin de parvenir à plus de simplification du régime, ont inclus les situations types de contrainte ou de menace sous la dénomination générique de violence (articles 1.109 et 1.112 des codes civils dominicain et français : article 904 du code civil haïtien : articles 1.812 et 1.819 du code civil mexicain : articles 1.146 et 1.151 du code civil vénézuélien) ou de force (article 1.508 et article 1.513 du code civil colombien). Face à cette tendance générale, il s'avère anecdotique de mentionner que le code civil cubain ne contient, du moins de façon formelle, aucune disposition spécifique pour les situations de violence et que le code civil guatémaltèque insère la simulation dans les vices du consentement (article 1257). De même, le code civil saint-lucien (article 925 du code civil) inclut aussi la lésion (lesion) parmi les vices que sont l'erreur (error), le dol, (fraud), la violence (violence) et la peur (fear).

La classification adoptée s'appuie également sur le système néerlandais. Selon l'article 3:44 des codes civils néerlandais et surinamais, un contrat pourra être annulé dès lors qu'interviendra duress (violence), fraud (dol) et undue influence. D'autre part, il pourra également être annulé pour erreur conformément à l'article 6:228.

La classification proposée prend en considération la divergence existant entre la common law et la tradition romano-germanique quant au sens respectif de l'erreur et de la mistake, institutions qui ne se correspondent pas pleinement. Cela est dû au régime du terme mistake qui intervient dans des situations diverses, et pour être traité comme il se doit, les présents Principes proposent de prendre en compte les différents types de mistake, en fonction des conséquences juridiques associées à chaque situation.

Les auteurs anglais font la distinction entre la common mistake (erreur commune), la mutual mistake (erreur mutuelle ou bilatérale) et l'unilateral mistake (erreur unilatérale). Dans la common mistake l'accord entre les parties ne fait pas défaut, mais le consentement des parties repose sur une erreur. À titre général la common mistake reste soumise à la règle relative à l'erreur de l'article 3.4.3. Toutefois, au regard de la conséquence que produisent (nullité absolue ou inexistence du contrat) l'erreur sur res extincta, qui retombe sur l'objet du contrat dès lors que celui-ci s'est éteint à défaut de consentement entre les parties avant sa conclusion [Couturtier v Hastie (1856), 5 HL Cas. 673 : Strickland v Turner (1852), 155 ER 919] et l'erreur de l'acquéreur qui ignore qu'il est déjà propriétaire de la chose qui lui a été vendue, ou erreur par res sua [Abraham v Oluwa (1944), 17 NLR 123], sont traitées dans les présents Principes comme une impossibilité initiale (article 3.1.3). Le même traitement s'applique à la mutual mistake, qui se caractérise par l'existence d'un malentendu entre les parties qui ont négocié pensant chacune à une chose ou à un acte différent. Vu que la conséquence de ce type d'erreur, dans les pays de la common law, est la nullité absolue ou l'inexistence du contrat [Raffles v Wichelhaus (1864), 2 H. & C. 906 : Scriven Brothers & Co v Hindley & Co (1913), 3 KB 563], les présents Principes reprennent le traitement de ce type de mistake par l'inexistence du consentement (article 3.1.1). Enfin, il existe également l'unilateral mistake ou erreur unilatérale qui intervient dès lors qu'une seule partie commet une erreur, alors que l'autre ne se trompe pas, et au contraire, s'aperçoit de ce qui se passe ou aurait dû le faire. Ce type de mistake, vu le traitement qu'elle a reçu dans les systèmes de common law, reste soumis au régime de l'erreur de l'article 3.4.3.

La classification proposée facilite la rencontre entre l'institution de la common law connue sous le nom de misrepresentation et les situations d'erreur et de dol contenues dans le droit romano-germanique, selon qu'il s'agit d'une situation de innocent misrepresentation ou de fraudulent misrepresentation. Les deux permettent d'annuler le contrat (article 1 du Misrepresentation Act 1967 ou article 2 du Bermuda Law Reform Act de 1977 : section 164 du Restatement Second of Contracts).

Dans le cas de documents signés par erreur, ou dont le contenu diffère de ce qui est attendu, la common law permet également, bien que de manière exceptionnelle, de considérer le contrat comme nul, dans le cas de contrats conclus par des personnes aveugles ou analphabètes [arrêt de la High Court de Trinité-et-Tobago dans l'affaire Seepersad v Mackhan (1982), nº 533 de 1977 (Carilaw TT 1982 TT 27) : arrêt de la Supreme Court des Bahamas dans l'affaire Gordon v Bowe (1988), Carilaw BS 1988 SC 75]. Bien que, en règle générale, l'erreur dans la déclaration soit placée par l'article 3.4.4 des présents Principes sous le même régime que l'erreur viciée, vu la gravité particulière que revêtent les circonstances dans lesquelles se produit l'erreur, elle n'est pas non plus incluse dans le champ d'application des vices et est régie par l'article relatif au défaut de consentement.

La violence et la contrainte des droits continentaux trouvent facilement une figure similaire dans les systèmes de common law au travers de l'institution de la duress. Tout comme cela arrive dans les systèmes de la Caraïbe qui ont été sous l'influence du droit espagnol et du droit français, il y a duress dès lors que l'on effraie quelqu'un par des menaces ou une contrainte (vis compulsiva).

Dans les systèmes romano-germanique de la Caraïbe, il n'existe pas de vice spécifique qui puisse ressembler à la undue influence, c'est-à-dire à l'influence indue qui est exercée sur l'une des parties dans le but de lui faire conclure le contrat. Si cela arrive, le contrat peut être annulé à condition que le consentement de l'une des parties n'ait pas été exprimé librement du fait que l'autre a profité d'une situation de confiance, d'un état de nécessité ou de dépendance ou de fragilité psychologique de celle-ci pour obtenir indûment son consentement. La juridiction in equity a élaboré la théorie de la undue influence afin de protéger les cas de vices du consentement non protégés par les règles de la duress. Toutefois, certains cas de undue influence entreront sous le régime de la contrainte, tel que cela ressort du commentaire relatif à la contrainte et à l'abus de faiblesse ou de dépendance.


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