PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 3.3

Illicéité

Les présents Principes ne font pas obstacle à l'application des lois de police ou d'ordre public international de source nationale ou internationale qui déterminent l'illicéité ou l'illégalité de l'objet du contrat, de son contenu, de son exécution ou de certaines de ses obligations.

Bien que le principe de l'autonomie des parties régisse la règlementation du droit des contrats dans les systèmes juridiques comparés de la Caraïbe, tous ces systèmes sans exception envisagent des cas de restrictions d'ordre public qui limitent cette autonomie en ce qui concerne la validité, le contenu ou l'exécution des obligations contractuelles et qui montrent une casuistique très riche, allant des accords contraires aux règles sur la libre concurrence jusqu'au transfert d'un res extra commercium (un bien culturel, par exemple), en passant par les contrats dont l'objet consiste à commettre une infraction ou est tout simplement contraire à la moralité et aux bonnes mœurs.

Les modèles romano-germaniques exigent souvent, comme condition de validité du contrat, la présence d'un objet licite (article 631.2 du code civil costaricain : article 1.251 du code civil guatémaltèque : article 1.565-1.567 du code civil hondurien : article 1.827 du code civil mexicain : article 1.122 du code civil panaméen : articles 35 et 69 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013), une cause licite (articles 1.108 et 1.133 des codes civils dominicain et français : article 903 du code civil haïtien : article 1.874 du code civil nicaraguayen : article 1.141 du code civil vénézuélien), voire les deux (article 1.502 du code civil colombien). L'illicéité de l'objet, du contenu ou de l'exécution du contrat peut emporter dans certains cas la nullité totale ou l'inexistence du contrat, mais dans d'autres cas la sanction peut consister en un simple droit d'annulation ou de non-exigibilité des obligations, voire d'adaptation du contrat. La même diversité de possibilités existe en ce qui concerne les voies de recours mises à la disposition des parties dans chaque cas et la restitution des prestations.

De son côté, le droit anglais ne traite pas spécifiquement de la licéité de l'objet mais plutôt de l'inefficacité du contrat (unenforceability) lorsque les obligations sont illicites ou illégales (distinction qui n'est pas toujours claire), ou lorsque, même si elles sont licites, elles peuvent être contestables, contraires à la moralité ou à l'ordre public. Les effets de l'illégalité, de l'illicéité ou du simple fait d'être contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public sont variables selon que la formation ou l'exécution du contrat est concernée, de façon très similaire à ce que prévoient les systèmes romano-germaniques. La diversité de cas, de catégories et d'effets rend donc très difficile voire même impossible la tâche de renvoyer logiquement à des cas harmonisés et uniformes.

Contrairement aux autres textes internationaux d'unification du droit des contrats, les Principes OHADAC ont choisi de ne pas inclure de règlementation spécifique relative à l'illicéité ou à l'illégalité du contrat, en adaptant la règle générale du paragraphe III du Préambule des présents Principes. Cette option est justifiée à plusieurs reprises, de par la complexité et la diversité des systèmes juridiques concernés quant aux cas et aux effets de l'illicéité.

En premier lieu, comme cela a été dit dans les commentaires au Préambule et au chapitre 1, le but primordial de l'OHADAC est de mettre à disposition des parties un cadre normatif alternatif aux droits nationaux moyennant l'insertion ou le choix par les parties des règles des présents Principes. N'étant pas une règlementation nationale, ils sont applicables afin de régir les obligations contractuelles des parties uniquement lorsque celles-ci ont opté de manière expresse dans leur contrat pour les Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international. Du reste, les présents Principes ne pourront fonctionner en tant que « loi applicable au contrat » que dans le cadre des procédures arbitrales.

Dans les cas où les différends sont réglés devant les tribunaux nationaux, la référence aux Principes OHADAC dans le contrat ne produira généralement pas l'effet d'une loi applicable au contrat à proprement parler, autrement dit elle ne déplacera pas l'application du droit national déterminé par les règles de droit international privé, sauf dans la mesure où cette loi admet que les présents Principes reflètent l'autonomie matérielle des parties, dans les limites imposées par ses règles impératives applicables aux contrats internationaux.

En effet, la plupart des systèmes de droit international privé en vigueur dans les territoires caribéens qui font partie de l'OHADAC partent du postulat que les parties ne peuvent choisir qu'un droit national comme loi applicable au contrat. C'est uniquement dans le domaine arbitral qu'une plus grande flexibilité en ce qui concerne la détermination des règles applicables au fond du litige permettrait de considérer le choix de règles non nationales comme un véritable choix de la loi applicable au contrat. Le Mexique et le Venezuela, uniques signataires de la Convention Interaméricaine sur le droit applicable aux contrats internationaux (CIDIP V), conclue à Mexico le 17 mars 1994, sont les seuls à admettre la possibilité de considérer les Principes OHADAC comme la loi applicable au contrat, avec de nombreuses réserves.

En second lieu, indépendamment de la prise en compte des Principes OHADAC comme règles applicables au gré de la volonté des parties et, par conséquent, relevant du champ strict de leur liberté contractuelle, il est fréquent dans le droit des contrats internationaux que les parties ne puissent pas écarter l'application des lois de police et des règles d'ordre public nationales, internationales ou supranationales, en vigueur dans le pays où se trouve le tribunal saisi (lex fori) ou même d'un État tiers étroitement lié au contrat, en particulier le pays d'exécution des obligations contractuelles. Ce principe de droit international privé, très répandu en droit comparé et de plus en plus dans le domaine arbitral (sauf dans certains cas la lex fori), figure à l'article 9 du Règlement (CE) n° 593/2008, du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, en vigueur au Royaume-Uni, en France et aux Pays-Bas, ainsi qu'à l'article 11 de la Convention de Mexico, en vigueur au Mexique et au Venezuela.

La règlementation proposée dans d'autres textes internationaux qui pourrait servir de source d'inspiration n'est pas convaincante. La troisième édition des Principes d'UNIDROIT (2010) a introduit dans son chapitre 3 une nouvelle section 3 consacrée à l'illicéité, qui s'inspire de la section 178 du Second Restatement on Contracts, dont l'objectif spécifique dans le système nord-américain ne semble pas être facilement transposable à un système de principes harmonisés non-étatiques ou de soft law. C'est la raison pour laquelle cette section des Principes d'UNIDROIT a été vivement critiquée. La règlementation visée par cette section conduit au même résultat que celle proposée dans les Principes OHADAC dans les cas où le système qui impose la règle impérative stipulant l'illicéité établit de manière claire et expresse les conséquences que cette illicéité produit sur le contrat quant à sa validité et son exécution. Lato sensu, il est rare qu'un système envisage des cas d'illicéité et d'illégalité sans prévoir de solution expresse, que ce soit dans la loi ou dans la jurisprudence, concernant les conséquences de cette illicéité sur la validité du contrat et les voies de recours dont disposent les parties en cas d'exécution ou d'inexécution. Même dans ce cas, la solution subsidiaire prévue dans les PU, qui vise à déterminer les conséquences de l'illicéité, consiste à appliquer les règles spéciales de ladite section ou les règles plus générales des PU sur la restitution et les actions disponibles qui sont tellement ouvertes, vagues et imprécises qu'elles aboutissent presque au même résultat qu'une absence de règlementation. Dans la pratique, la même délimitation et les mêmes problèmes se profilent dans la section 15ème des PECL et dans la règlementation des articles II-7:301 et II-7:304 DCFR.

En effet, lorsque le juge ou l'arbitre, appelé à interpréter un contrat soumis aux Principes OHADAC, est confronté à une règle impérative nationale, internationale ou supranationale établissant l'illégalité de l'objet, du contenu ou de l'exécution du contrat et tient compte de la recevabilité de l'application de cette règle impérative, en vertu de son contenu ou de sa nature ainsi que de ses liens avec le contrat (loi du for, loi nationale applicable au contrat à défaut de choix, loi du pays d'exécution, loi du marché affecté, loi d'origine d'un bien culturel, etc.), il appliquera cette règle et déterminera les effets sur le contrat prévus dans cette loi. Si ces effets ne sont pas clairs selon le système juridique qui établit l'illicéité, rien n'empêche le juge ou l'arbitre d'appliquer les règles générales des Principes OHADAC choisis par les parties afin d'établir les conséquences de cette illicéité sur la validité et sur l'exécution du contrat ainsi que le rôle des recours établis dans les présents Principes, dans la mesure où ils s'adaptent de manière raisonnable au contenu de la règle impérative qui a été violée.


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