PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 2.3.1

Domaine d'application

1. La présente section régit le pouvoir d'une personne, le représentant, de produire des effets dans la situation juridique d'une autre personne, le représenté, relativement à la conclusion d'un contrat avec un tiers, soit que le représentant agisse au nom du représenté, soit qu'il agisse en son propre nom.

2. Cette section ne s'applique pas aux rapports internes entre le représentant et le représenté.

3. Cette section ne régit pas le pouvoir d'un représentant désigné par la loi, ni celui d'un représentant désigné par une autorité publique ou judiciaire.

Les Principes OHADAC consacrent cette section à la réglementation du pouvoir du représentant de produire des effets dans la situation juridique du représenté par la conclusion de contrats avec un tiers, qui établissent des liens juridiques directs entre celui-ci et le représenté. De ce fait, la présente section s'applique seulement aux relations entre le représenté ou le représentant, d'une part, et le tiers d'autre part, c'est-à-dire se limite au cadre externe de la représentation. Par conséquent, les rapports internes entre le représentant et le représenté sont exclus des présentes dispositions. Sur ce point (droits et obligations du représentant et du représenté), il faudra s'en remettre aux dispositions contenues dans le contrat conclu entre eux, ainsi qu'à la loi qui sera désignée pour le régir en application du droit international privé du for. Il faut également tenir compte des règles matérielles impératives de protection spécifiques aux catégories de représentants, comme c'est le cas par exemple des agents commerciaux indépendants dans les territoires dans lesquels s'applique le droit européen, qui garantit certains droits en cas de résiliation unilatérale du contrat de la part du représenté. D'où le fait que les questions qui relèvent tant des rapports internes qu'externe de la représentation, comme c'est le cas des modalités d'attribution du pouvoir et de son extinction, les conflits d'intérêts ou la substitution du représentant, ne seront traitées dans cette section que d'un point de vue des effets vis-à-vis des tiers.

La présente section, en outre, se réfère uniquement aux intermédiaires mandatés pour conclure des contrats, ce qui écarte les autres missions qui consistent soit à présenter les parties pour que celles-ci puissent ensuite négocier et conclure le contrat (par exemples, les courtiers ou les agents immobiliers), soit à négocier les contrats avec des tiers, mais dont le pouvoir de les signer demeure entre les mains du donneur d'ordre (par exemple, les représentants salariés ou les agents commerciaux indépendants non autorisés à passer des contrats). Dans aucune de ces situations il n'y a lieu de parler de représentation, bien qu'il soit habituel de les dénommer, improprement, les « représentants ».

Vu la nature spéciale de la relation de la représentation, caractérisée par l'intervention de trois parties (représenté, représentant et tiers), l'application à ladite relation des dispositions de la présente section exigera obligatoirement l'acceptation des Principes OHADAC par les trois parties impliquées au contrat. Il conviendra de conclure, en définitive, ce qu'il conviendra de dénommer un « accord trilatéral » quant à l'application des présents Principes, accord auquel, vu l'absence de contact direct entre le représenté et le tiers, devra être décomposé en étapes qui seront précisément deux. La première, dans les cas de pouvoir exprès du représentant, devra correspondre à la date du pouvoir, et contenir en plus une mention selon laquelle le représenté donne pouvoir au représentant de conclure des contrats avec des tiers « en application des dispositions des Principes OHADAC ». La deuxième devra correspondre à la date du contrat entre le représentant et le tiers, et contenir en plus une clause exigeant l'application des présents Principes au contrat. Cette étape, évidemment, sera éludée dans le cas de pouvoir implicite, pouvoir apparent ou absence de pouvoir bien que dans de tels cas, l'acceptation par le représenté de l'application des présents Principes aura lieu en général à un moment postérieur à la conclusion du contrat entre le représentant et le tiers, c'est-à-dire au moment de la reprise d'engagement, en cas de défaut de pouvoir. En outre, cette acceptation ex post des présents Principes ne doit pas nécessairement être expresse, et ne se faire que de façon tacite, comme ce sera le cas si le représenté exécute les obligations qui découlent du contrat souscrit par le représentant sans opposer aucune objection à la clause selon laquelle l'application des présents Principes est obligatoire.

D'autre part, d'un point de vue du caractère non impératif des règles relatives à la représentation présentes dans les ordres juridiques nationaux, l'« accord trilatéral » auquel sont parvenues les parties à la représentation quant à l'application des Principes OHADAC impliquera obligatoirement le déplacement des règles nationales en la matière. En règle générale, le régime des présents Principes qui retiennent les principes communs aux différents ordres juridiques nationaux n'entre, toutefois, pas en conflit avec les dispositions nationales.

Comme cela a été indiqué, les Principes OHADAC limitent le champ d'application de la présente section aux rapports externes de la représentation (représentant et tiers), et de ce fait s'éloignent du modèle suivi par la majorité des systèmes juridiques caribéens de tradition romano-germanique (articles 2.142-2.199 du code civil colombien : articles 1.251-1.294 du code civil costaricain : articles 1.984-2.010 des codes civils dominicain et français : articles 1.686-1.727 du code civil guatémaltèque : articles 1.748-1.774 du code civil haïtien : articles 1.888-1.918 du code civil hondurien : articles 3.293-3.389 du code civil nicaraguayen : articles 1.400-1.430 du code civil panaméen : articles 1.600-1.630 du code civil portoricain : articles 1.601-1.661 du code civil saint-lucien), qui n'opèrent pas de distinction entre les rapports externe et interne de la représentation, considérant le pouvoir comme un simple effet du contrat de mandat, modèle retenu également par les systèmes de tradition anglo-saxonne, où sous le concept de « agency » sont incluses tant les relations entre le représenté et le tiers, que les relations entre le représenté et l'agent.

Face à ce modèle, les Principes OHADAC s'inspirent de ce qui pourrait être dénommé le modèle « allemand » de représentation qui se caractérise par une dissociation claire faite entre le pouvoir et le contrat de base et, finalement entre les rapports externe et interne de la représentation. Il s'agit du modèle qui, outre les systèmes caribéens de tradition néerlandaise [articles 3:60-3:67 (représentation), 7:414-7:424 (mandat) et 7:428-7:445 (agence commerciale) des codes civils néerlandais et surinamais] et d'autres de tradition espagnole [articles 56-66 (représentation) et 398-422 (mandat) du code civil cubain : articles 1.800-1.802 (représentation) et 2.546-2.604 (mandat) du code civil mexicain, et implicitement, articles 274 et 310 du code de commerce mexicain : articles 1.169-1.172 (représentation) et 1.684-1.712 (mandat) du code civil vénézuélien, et implicitement, article 95.2 du code de commerce vénézuélien], retiennent les différents instruments internationaux d'unification de droit contractuel [articles 2.2.1-2.2.10 PU : articles 3:101-3:304 PECL : articles II-6:101-II-6:112 DCFR : Convention de Genève du 17 février 1983 sur la représentation en matière de vente internationales de marchandises (ci-après CG, non entrée en vigueur)].

La doctrine comme la jurisprudence de la majorité des pays qui, traditionnellement, ont repris le premier modèle ont fini par distinguer les rapports interne et externe de la représentation [articles 832-844 (représentation) et 1.262-1.339 (mandat) du code de commerce colombien : articles 731-739 (représentation) et 804-825 (commission) du code de commerce hondurien : articles 399 et 436 du code de commerce nicaraguayen : articles 604 et 612 du code de commerce panaméen : article 200 du code de commerce portoricain : articles 60-68 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations du 23 octobre 2013].

Les Principes OHADAC, d'autre part, considèrent que, pour qualifier la situation juridique dans laquelle intervient le représentant, il n'est pas important de distinguer si ce dernier agit au nom du représenté ou en son propre nom, laissant ainsi la porte ouverte à ce que cette qualification puisse intervenir tant dans l'une que dans l'autre situation. Les systèmes caribéens de tradition anglo-saxonne partagent comme principe commun qu'il n'est pas important d'établir des liens juridiques directs entre le représenté et le tiers. En effet dans ces systèmes, le lien direct entre le représenté et le tiers est préconisé dans les cas où le représentant révèle au tiers sa qualité (disclosed agency), indépendamment du fait, de plus, de lui révéler ou non l'identité du représenté. Cela explique que le disclosed principal puisse être soit un named/identified tout comme un unnamed/unidentified principal [Universal Steam Navigation Co v James McKelvie & Co (1923), AC 492 : Benton v Campbell, Parker & Co Ltd (1925), 2 KB 410 : sections 6.01 (1) et 6.02 (1) du Restatement Third of Agency nord-américain]. De même la possibilité d'établir de tels liens dans le cas où le représentant au moment de conclure avec des tiers, occulte l'existence même de la représentation non divulguée (undisclosed agency), après que le tiers découvre que la personne, avec laquelle il a conclu le contrat, agissait en réalité comme représentant de l'autre (undisclosed agency) (commentaire de l'article 2.3.4).

Cependant, sur ce point, il serait possible de penser que les Principes OHADAC s'écartent des lignes suivies par les systèmes juridiques caribéens de tradition espagnole, française et néerlandaise, vu que pour ceux-ci l'efficacité directe des actes du représentant pour les effets produits dans la situation juridique du représenté dépend du comportement du représentant, ce qui marque effectivement la distinction entre représentation directe et indirecte en fonction précisément du fait que le représentant agisse au nom du représenté ou en son propre nom (articles 1.505 et 2.177 du code civil colombien et 832, 833.1, 1.336 et 1.337 du code de commerce colombien : articles 1.275 du code civil costaricain et 273 et 318 du code de commerce costaricain : articles 57 du code civil cubain et 245-247, 284-285 et 287 du code de commerce cubain : articles 1.984.1 du code civil dominicain et 94 du code de commerce dominicain : articles 1.984 du code civil français et article L132-1 du code de commerce français : article 61 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013 : article 1.686.2 du code civil guatémaltèque : articles 1.748 et 1.762 du code civil haïtien et 90-91 du code de commerce haïtien : articles 3:60.1, 3:66.1 et 7:425-7:427 des codes civils néerlandais et surinamais : articles 1.896 et 1.904 du code civil hondurien et 732 du code de commerce hondurien : articles 2.560-2.561 et 2.581 du code civil mexicain et 283-285, 311 et 313 du code de commerce mexicain : articles 2.440.1 et 3.331 du code civil nicaraguayen et 408-410, 437 et 439 du code de commerce nicaraguayen : articles 1.110.1 et 1.408 du code civil panaméen et 606-607, 609 et 612 du code de commerce panaméen : articles 1.211.1 et 1.608 du code civil portoricain et 163-165, 202-203 et 205 du code de commerce portoricain : articles 1.615-1.616 et 1.627.1 du code civil saint-lucien : articles 1.169 du code civil vénézuélien et 96-97 et 376-379 du code de commerce vénézuélien). Effectivement ces systèmes, en principe, ne traitent que de l'effet basique de la représentation, comme le lien juridique direct entre le représenté et le tiers, dans les cas de représentation directe, pour lesquels le représentant agit au nom du représenté. Il est habituellement considéré que ce sera ainsi, dès lors qu'au jour de la conclusion du contrat il révèlera expressément au tiers, sous toute forme, outre sa qualité de représentant, l'identité du représenté (en indiquant par exemple qu'il intervient « pour le comte de X »), bien que cela ne soit pas consigné dans le contrat. De même, il convient de parler de contemplatio domini dans le cas où le représentant se limite à déclarer qu'il intervient au nom d'un représenté, mais sans révéler en premier lieu son identité, avec engagement de sa part de la divulguer par la suite. Ces situations ne doivent pas obligatoirement faire l'objet d'une déclaration expresse, mais elles peuvent découler du comportement non équivoque du représentant ou d'autres éléments.

L'effet de la représentation n'est pas visé, par contre, dans le cas de représentation indirecte où le représentant intervient en son propre nom et occulte, par là même, sa qualité au tiers. Il est alors prévu que le représentant, et non le représenté, assumera personnellement ses engagements vis-à-vis des tiers. Il est fait exception à cette règle dans certains ordres juridiques, dès lors qu'il est question de choses propres appartenant au représenté (article 1.896.2 du code civil hondurien : article 2.561.2 du code civil mexicain : article 1.408.2 du code civil panaméen : article 1.608.2 du code civil portoricain). Dans le cadre du rapport interne entre représenté et représentant, il sera convenu en tout cas de la manière dont le représentant doit transférer au représenté les droits qu'il a acquis auprès du tiers dans l'intérêt de ce dernier ou de la manière dont il devra couvrir les obligations qu'il a contracté à l'égard de tiers. Toutefois, il ne faut pas oublier que les systèmes de tradition civiliste contiennent eux aussi des exceptions à la règle générale selon laquelle le représenté n'est pas lié en cas de représentation indirecte. Ils admettent la possibilité que, dans des situations précises, le représenté pourra se retourner directement contre le tiers, ou à l'inverse, le tiers pourra directement se retourner contre le représenté (commentaire de l'article 2.3.4).

La solution retenue par les Principes OHADAC correspond clairement à celle retenue par la CG (article 1.1 et 4) et par les PU [articles 2.2.1 (1), 2.2.3 et 2.2.4 (2)], qui ne prend pas non plus expressément en compte le fait que le représentant intervienne en son propre nom ou au nom du représenté, quant à son engagement personnel vis-à-vis des tiers. La solution retenue par les Principes OHADAC ne s'éloigne pas non plus de celle du DCFR (articles II-6:105 et II-6:106) ou des PECL [articles 3:102 et 3:301 (2) a 3:304], qui, même s'ils distinguent les situations où le comportement du représentant produisent des effets sur la situation juridique du représenté (représentation directe) et celles qui n'en produisent pas (représentation indirecte), ils permettent par une règle juridique que des effets juridiques puissent être produits.

Finalement, la présente section ne concerne que la représentation volontaire, c'est-à-dire, la représentation qui se fonde sur un acte de volonté du représenté destiné à conférer au représentant le pouvoir d'intervenir pour son compte (pouvoir) tout en élargissant sa marge de manœuvre. Cela se matérialise parfois par un acte unilatéral de procuration consenti de façon isolée, et entre autres fait partie d'un acte juridique bilatéral qui oblige le représenté et le représentant. Restent, en tout cas, en marge de cette section les cas de représentation légale, au titre desquels le représentant se voit conférer par la loi un pouvoir (par exemple, dans la représentation d'un mineur par ses parents, détenteurs de l'autorité parentale) ainsi que ceux où le représentant se voit confier un pouvoir par l'autorité publique ou judiciaire (tel que cela est le cas de la représentation par un tuteur d'une personne handicapée). Dans ces cas, les pouvoirs du représentant devront être déterminés obligatoirement au regard de la loi nationale applicable conformément aux dispositions des règles de droit international privé du for. Hormis deux modalités de représentation, les principes OHADAC se situent dans la lignée des deux principaux instruments internationaux de codification des principes généraux en matière de contrat, les PU [article 2.2.1 (3)] et les PECL [article 3:101 (2)], qui limitent également sa réglementation en matière de représentation volontaire.

La représentation organique, ou la représentation de sociétés par ses organes dirigeants, est régie par les règles spécifiques en matière de société, et qui sont d'application impérative généralement. À cette question s'appliquera la loi gouvernant la société en question, et qui prévaudra en tout cas sur les dispositions de la présente législation relative aux règles générales en matière de représentation contenues dans la présente section, qui sera applicable uniquement à titre subsidiaire. Les dispositions de la présente section seront applicables, toutefois, à la représentation volontaire de la société par l'un quelconque des membres du conseil d'administration ayant été dûment mandaté.


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