Pour un code européen des affaires : rendre le droit européen des affaires plus lisible et accessible
Publié le 04/05/2018, 16h02
Deux députés français et allemand, Rüdiger Kruse et Franck Riester, proposent dans une tribune au « Monde » d'unifier le code des affaires des deux pays, afin d'incarner le projet européen dans une réalisation concrète et créatrice de richesses.
LE MONDE | 04.05.2018 à 14h00 | Par Rüdiger Kruse (Député (CDU) de Hambourg au Bundestag) et Franck Riester (Député (Agir) de Seine-et-Marne, coprésident du groupe « UDI, Agir et Indépendants à l'Assemblée nationale.
Tous les Européens convaincus en ont conscience, l'immobilisme n'est plus une option. Pour remettre l'Europe en capacité d'agir, il est nécessaire que la France et l'Allemagne se décident à définir un projet commun.
En matière économique, la réforme de la zone euro est un chantier que la France et l'Allemagne doivent envisager sur le long terme, en tenant compte des différences de points de vue portés par nos deux gouvernements. Le président Macron a présenté en septembre le projet d'une Europe refondée, doté notamment d'un ministre des finances et d'un budget de la zone euro. La grande coalition qui gouverne en Allemagne a formulé la promesse d'un « renouveau européen », centré sur des projets d'avenir, mais elle reste réticente à soutenir tout projet qui pourrait conduire à mettre les dettes en commun...
Construire un compromis impose peut-être de redéfinir les priorités. S'il est important de favoriser la coordination entre les politiques monétaires et budgétaires au sein de la zone euro, il est avant tout nécessaire de sortir d'une vision purement financière de l'Europe. La question de la répartition des richesses ne se pose qu'une fois la richesse créée, et la compétitivité de notre économie ne se laisse pas réduire à des transferts financiers. Nous croyons nécessaire de revenir à l'origine du projet européen, à cette époque où, comme l'exprimait Jean Monnet, des réalisations concrètes devaient créer des « solidarités de fait ».
L'ambition européenne reposait à l'origine sur la formation d'un espace économique unifié, permettant aux entreprises de produire et d'échanger plus facilement, pour favoriser la croissance et les investissements. Malgré des avancées remarquables, le marché unique est encore loin d'être achevé. Un entrepreneur qui veut créer une entreprise transfrontalière doit créer une société française, allemande ou italienne, car il n'existe pas de modèle européen pour les PME. Quand il veut proposer des produits dans un autre Etat membre, il doit se référer aux différentes transpositions de directives qui règlent le droit de la consommation. Et en cas de faillite, le régime applicable à son entreprise révèle un incroyable foisonnement.
Pierre angulaire
Pour les grandes entreprises dotées d'un service juridique performant, l'obstacle est rapidement levé. Pour un entrepreneur ou une PME voulant inscrire son action dans un cadre européen, le droit des affaires se présente comme un monument d'abstraction et de complexité. La perception du problème n'est pas neuve, mais les tentatives passées d'unifier le droit des affaires se sont heurtées pendant longtemps aux réticences de la Grande-Bretagne, qui défendait les spécificités de la « Common Law ». Dans le contexte du Brexit, nous voyons dans la création d'un nouveau droit européen des affaires la pierre angulaire d'une intégration européenne renforcée, capable de soutenir durablement la compétitivité de nos économies.
L'histoire allemande a montré qu'un droit commercial unifié, même sans code civil et indépendamment de l'existence d'un Etat-nation, pouvait fonctionner. Ce qui valait en 1860 pour le code de commerce allemand peut inspirer aujourd'hui le droit des affaires européen.
Pour remettre l'Europe en capacité d'agir, il est nécessaire que la France et l'Allemagne développent une vision commune, mais également que nos deux pays engagent des projets concrets, montrant leur capacité à agir en commun. Dans son discours fondateur prononcé en Sorbonne le 26 septembre 2017, le président Macron proposait à l'Allemagne un partenariat nouveau, en fixant comme objectif d'ici à 2024 l'intégration totale des marchés français et allemands par l'application des mêmes règles aux entreprises, du droit des affaires au droit des faillites. La proposition a été entendue en Allemagne. Dans le contrat de coalition, le nouveau gouvernement fédéral s'engage à réaliser un véritable espace économique franco-allemand, avec des règles unifiées pour les entreprises et une harmonisation de leur fiscalité.
Projet réaliste et ambitieux
L'unification du droit des affaires entre la France et l'Allemagne est à ce jour un des projets les plus fédérateurs, pour faire de la coopération franco-allemande le moteur d'une relance de l'Union. Ce projet ne replace pas seulement l'économie au cœur de la construction européenne, il présente également l'avantage d'impliquer la société civile dans cette refondation.
Depuis près d'un an, un groupe de juristes français et allemands menés par l'association Henri Capitant et soutenus par de grands think tanks européens, par l'ensemble des professions juridiques et par de prestigieuses universités, travaille à l'élaboration d'un « code européen des affaires ». Ce code aura pour vocation de rendre le droit européen des affaires plus accessible, plus lisible, et, en contribuant à créer un espace économique unifié, il permettra d'incarner le projet européen dans un objet concret.
La consolidation des fondements économiques de l'Union est aujourd'hui une nécessité. L'unification du droit des affaires est un projet réaliste et ambitieux, qui permettra aux citoyens de prendre conscience des avantages liés à la réalisation du projet européen.
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