Compte-Rendu de l'Atelier sur la Loi Modèle OHADAC portant sur les Sociétés Commerciales au Congrès de Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, les 21 et 22 septembre 2015
Publié le 03/11/2015, 17h41
Lors du congrès OHADAC qui s'est tenu les 21 et 22 septembre derniers à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, un atelier était consacré à « La Loi Modèle OHADAC sur les Sociétés Commerciales ». Ce texte a été rédigé par l'équipe d'universitaires et de chercheurs dirigée par le Professeur Rodolfo DAVALOS FERNANDEZ.
Ce panel avait pour modérateur :
- Christophe CUARTERO, avocat au barreau de la Guadeloupe représentant le bâtonnier, Jamil HOUDA, empêché,
et réunissait les intervenants suivants :
- Rodolfo Davalos Fernandez, Professeur de droit à l'Université Alma Mater de La Havane - Président de la Cour Cubaine d'Arbitrage - Cuba,
- Fernando Estéban de la Rosa, Professeur de Droit à l'Université de Grenade - Espagne,
- Rafael Arenas Garcia, Professeur de Droit - Université Autonome de Barcelone - Catalogne - Espagne,
- Omar de Jésus Fernàndez Jiménez, Professeur de Droit à l'Université Alma Mater de La Havane - Secrétaire Général de la Chambre de Commerce de Cuba - Cuba,
- Sébastien Manciaux, Maître de Conférence à l'Université de Bourgogne - France.
Rodolfo Davalos Fernandez intervenait tout d'abord sur le thème : « La Loi Modèle OHADAC sur les sociétés commerciales : but, structure et caractéristiques technico-normatives ». Il expliquait que le Droit des Sociétés répond à des considérations purement instrumentales et que son apparition et développement sont étroitement liés à la réalisation d'objectifs d'intégration économique et sociale entre différents pays qui se trouvent dans une zone susceptible de créer un marché commun, ou d'établir des liens par l'élimination des barrières institutionnelles, des obstacles à caractère fiscal et autres, afin de créer un espace économique élargi dans lequel les opérateurs commerciaux peuvent agir dans des conditions analogues à celles d'un marché national.
Il ajoutait que c'est dans ce contexte que la Loi Modèle OHADAC sur les Sociétés Commerciales poursuit plusieurs objectifs, à savoir :
- éclaircir et mener à bien une coopération législative tenant compte des traditions juridiques respectives de ces pays,
- maintenir la légitime liberté des États,
- échanger des informations réciproques afin de mieux connaître les règles relatives aux sociétés commerciales et aux systèmes juridiques,
- parvenir à une harmonisation tout en fluidifiant les relations économiques.
Il rappelait que le thème des sociétés commerciales est, au sien du droit commercial international et du droit international privé, l'un des sujets qui requiert le plus de codification, que ce soit grâce à l'uniformité substantive, ou grâce à une harmonisation des législations, de sorte que les relations juridiques entre les sociétés commerciales de pays différents ne soient pas affectées par les différences de législations qui étaient applicables et que le régime juridique spécifique d'une société étrangère, en vertu d'une lex societatis, puisse être reconnu sans problème majeur dans les autres pays.
Le Professeur DAVALOS FERNANDEZ ajoutait qu'il existe un consensus international pour reconnaître les groupes de sociétés comme des entités juridiques au sein desquelles les entreprises gardent leur indépendance, ces groupes constituant une réalité du développement économique et rencontrant un écho favorable dans la zone Caraïbe.
Il concluait en indiquant que si la Loi Modèle OHADAC aborde la question de l'insolvabilité, il n'en reste pas moins vrai que l'approbation d'une Loi Modèle OHADAC sur les sociétés commerciales, visant à l'élimination des différences entre les législations nationales ayant trait à l'activité internationale des sociétés, mais laissant à chaque Etat l'ordonnancement matériel de l'activité interne, contribuerait à un processus de coopération et fournirait aux opérateurs du commerce international dans la Caraïbe un instrument efficace pour les échanges internationaux, en procurant la sécurité juridique requise au régime des sociétés.
In fine, il affirmait que la Loi Modèle permet non seulement de faciliter le travail et le rôle du législateur national, mais qu'elle met aussi entre les mains des entrepreneurs les bons outils pour créer leurs propres codes et règlements.
Fernando Estéban de la Rosa intervenait ensuite sur le thème de la « Détermination et la portée de la lex societatis dans la Loi Modèle OHADAC portant sur les sociétés commerciales : régime d'établissement des sociétés étrangères ». Le professeur Esteban de la Rosa présentait les propositions contenues dans la Loi Modèle de Droit International des Sociétés, concernant la détermination de la lex societatis et de son champ d'application ainsi que le régime d'établissement des sociétés étrangères, précisant que dans les deux cas les règles uniformes proposées, tant à caractère matériel que conflictuel, ont l'ambition de contribuer à une clarification juridique, grâce à un ensemble de règles visant à obtenir un traitement satisfaisant des intérêts en présence, à la standardisation des exigences étatiques et à la limitation de l'établissement de sociétés étrangères.
Il expliquait que cela s'inscrit dans un cadre qui se veut respectueux des différents modèles réglementaires des États et territoires de la Caraïbe et qu'il est nécessaire que ces normes juridiques soient plus claires et favorisent l'homogénéisation des exigences de chacun des Etats, en s'inspirant des avancées en matière de droit commercial, et en respectant le droit international privé des sociétés.
Il indiquait que la Loi Modèle proclame le principe de non-discrimination des sociétés dans l'exercice de leurs droits et qu'actuellement, seuls deux pays de la zone OHADAC bénéficient de cette protection qu'il conviendrait d'étendre à l'ensemble de l'espace caribéen afin de rationaliser le droit commercial international et de procurer une souplesse juridique tout en garantissant sa stabilité, quels que soient le territoire et le domaine d'activité concernés.
Il ajoutait qu'en matière de droit des sociétés, trois possibilités ont été envisagées :
- la loi du pays de la constitution de la société ;
- le cas où la société n'est pas complètement constituée ;
- l'autonomie de la volonté dans le choix des partenaires fondateurs de la société (s'il n'est pas possible de déterminer la loi applicable à la société), la lex societatis encadrant une série de questions : constitution de la société, capacité à agir, les processus internes, la représentation et la responsabilité des partenaires commerciaux de la société.
Concernant la reconnaissance des sociétés étrangères, le professeur Estéban de la Rosa rappelait que la convention interaméricaine en est la base juridique, la reconnaissance dans un pays entraînant la reconnaissance par les autres pays.
Concernant l'établissement de sociétés étrangères, il précisait qu'il est nécessaire de clarifier les conditions exigibles et de les standardiser afin qu'elles puissent correspondre aux intérêts des parties et des tiers.
Il concluait en indiquant que pour ce qui est des entreprises conjointes (joint-ventures), il convenait de déterminer le régime juridique des pactes parasociaux, étant entendu que la Loi Modèle préconisait le respect des deux lois.
Rafael Arénas Garcia présentait les « Modifications structurelles internationales des sociétés » en indiquant que la dynamique des sociétés préconise parfois de réaliser des transformations à dimension internationale : fusions et scissions internationales ; transfert international du siège social permettant d'adapter la forme de la société aux nécessités changeantes de l'activité sociétaire.
Il analysait la proposition de Loi Modèle sous cet angle, en examinant sous quelle forme étaient règlementées ces opérations de sociétés et en particulier, la forme dans laquelle s'articulait la régulation juridique d'opérations de ce type en considérant les différents Droits en présence, en tenant compte de la procédure relative à ces transformations, que les sociétés impliquées soient régies par des Droits qui ont adopté la Loi Modèle ou que d'autres cas de figure s'appliquent, notamment lorsqu'interviennent des sociétés régies par la réglementation d'États qui ne l'ont pas adoptée.
Il rappelait que l'idée restait de favoriser l'intégration économique dans le cadre d'une activité économique s'internationalisant, en conservant le contrôle des États.
Pour ce faire, il indiquait que la réglementation proposée tient compte des différences entre les droits des différents pays de la zone Caraïbe ainsi que l'expérience européenne, en particulier en matière de fusions de sociétés internationales et de transferts de sièges sociaux, tout en garantissant la sécurité juridique et la protection des parties intéressées.
Il déclinait ainsi les principes structurels inhérents aux sociétés, à savoir :
- la fusion internationale doit être possible pour les États qui ont admis La Loi Modèle ;
- l'habilitation des principes pour la constitution des sociétés ;
- la coordination entre les autorités compétentes des sociétés.
Il concluait par la proposition de réglementation relative à la dissolution de sociétés en présence de plusieurs États.
Omar de Jésus Fernàndez Jiménez s'intéressait quant à lui au « Commentaire sur le projet de Loi Modèle OHADAC portant sur les sociétés commerciales ». À titre introductif, il rappelait que le XXIe siècle a été marqué par la mondialisation avec une assimilation de règles internationales par les systèmes juridiques nationaux et que l'influence de modèles différents est une réalité dans la zone Caraïbe et d'Amérique Latine. Il déplorait que cette assimilation croissante ne soit pas toujours analysée avec un regard suffisamment critique avec l'utilisation de concepts tels que la « diffusion », la « pénétration », la « résistance » (quand il ne s'agit pas de « choc » ou de « concurrence ») pour décrire l'effet que produisent les différents ordonnancements et systèmes juridiques dans le processus d'élaboration du droit des d'autres États.
Il indiquait que la Loi Modèle OHADAC aborde :
- la fragmentation entre les différents opérateurs économiques (voir communication précédente),
- la reconnaissance juridique des sociétés commerciales étrangères,
- les activités des sociétés étrangères avec ou sans établissement,
- l'enregistrement des sociétés étrangères.
et que le défi assumé par les projets OHADAC, et plus particulièrement celui relevé par la Loi Modèle sur les sociétés commerciales, consiste à se projeter avec un regard critique, en tirant parti du « meilleur » de chacun des systèmes, avec des formules viables, pour obtenir davantage de sécurité juridique dans la régulation des relations commerciales internationales. Il concluait par quelques réflexions en relation avec le régime des succursales de sociétés étrangères à Cuba.
Sébastien Manciaux, pour conclure, présentait le « Rapport sur la Loi Modèle OHADAC des sociétés commerciales ». Il indiquait que le projet de Loi Modèle Ohadac sur les sociétés commerciales est un projet de grande qualité dont l'objet ne correspond pas à son intitulé, dans la mesure où, loin de vouloir se substituer aux lois sur les sociétés commerciales en vigueur dans les États des Caraïbes (comme le fait l'acte uniforme Ohada sur les sociétés commerciales dans les États francophones d'Afrique de l'Ouest), il se limite à l'activité internationale des sociétés de la région.
L'exposant rappelait que le projet Ohadac sur les sociétés commerciales comporte à la fois des règles de conflit (de lois et de juridictions) et des règles matérielles (moins nombreuses), qu'il vise d'abord à déterminer la lex societatis, c'est à dire la loi qui sera appliquée pour régir la constitution, le fonctionnement, l'extinction des sociétés commerciales dans l'espace Caraïbe, ainsi que leurs rapports avec les tiers, puis proposait des règles applicables aux mutations des sociétés commerciales (fusion, scission, transfert du siège social, liquidation), en finissant par aborder le phénomène des groupes de sociétés. Il estimait que l'ensemble forme un tout cohérent abordant les plus importantes questions soulevées par l'activité internationale des sociétés commerciales.
Certains choix restent selon lui discutables, tel celui de la loi du lieu de constitution pour déterminer la lex societatis, ou le traitement de la dissolution de la société dans le Titre dédié aux modifications de la société plutôt que dans celui dédié à la liquidation.
Il faisait remarquer que l'article 8.5 soulève une ambiguïté dans sa rédaction « les États, de manière exceptionnelle, pourront refuser la reconnaissance de la société étrangère quand son siège... est sur le territoire d'un autre État » et estimait que quelques développements sur la « nationalité » des sociétés, semblaient devoir s'imposer. Ils constitueraient un contrepoids appréciable au critère du lieu choisi pour la constitution de la société afin de déterminer la lex societatis, permettant bien des montages juridiques, pas tous animés d'intentions louables. À cet égard, il précisait que la levée du voile social permise dans le cadre d'un groupe de sociétés lorsqu'il apparait qu'une filiale n'a été créée ou n'est utilisée qu'à des fins frauduleuses (articles 34-35) est un premier pas vers la reconnaissance des sociétés étrangères, toutefois sans doute insuffisant.
Ces communications étaient suivies d'échanges nourris entre intervenants et congressistes.
Pour toute autre information, contactez :
Dr. Jean Alain Penda
Courriel : japenda@ohadac.com