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Compte-rendu de l'Atelier sur l'Arbitrage OHADAC au Congrès OHADAC de Pointe-à-Pitre, Guadeloupe des 21 et 22 septembre 2015

Publié le 21/10/2015, 09h34

photo1Le congrès de l'OHADAC qui s'est tenu les 21 et 22 septembre derniers à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, a consacré un atelier à « L'arbitrage OHADAC », dans la perspective de la création d'ici à fin 2016 du Centre d'Arbitrage OHADAC. Le siège de cette entité sera établi en Guadeloupe.

A cette occasion, ont été présentés les textes relatifs à « L'arbitrage OHADAC » rédigés par l'équipe d'universitaires et de chercheurs dirigée par le Professeur Rodolfo DAVALOS FERNANDEZ.

Ce panel avait pour modératrice :

  • Elma Gene Isaac, Coordinatrice de l'Unité de l'Intégration Régionale de l'Organisation des États de la Caraïbe Orientale - OECO - Sainte Lucie,

Et réunissait les intervenants suivants:

  • Rodolfo Davalos Fernandez, Professeur de droit à l'Université Alma Mater de La Havane - Président de la Cour Cubaine d'Arbitrage - Cuba,
  • José Carlos Fernandez Rozas, Professeur de Droit à l'Université Complutense - Madrid - Arbitre International - Espagne,
  • Francisco Victoria Andreu, Arbitre international, vice-président de l'association Andrés Bello des Juristes franco-latino-américains - Mexique/France,
  • Narciso Cobo Roura, Professeur de Droit à l'Université Alma Mater de la Havane, arbitre international, vice-président de la Cour Cubaine d'Arbitrage - Cuba,
  • Narcisse Aka, Secrétaire Général du Centre d'Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage OHADA - CCJA OHADA -, arbitre international - Côte d'Ivoire.

photo2Dans son propos liminaire, la modératrice, Elma Gene Isaac a rappelé que les accords régionaux et internationaux devaient favoriser les activités économiques et qu'en conséquence, les structures d'arbitrage étaient donc de plus en plus importantes.

Le professeur Rodolfo Davalos Fernandez a présenté « L'arbitrage OHADAC » et a rappelé que, si en 2007, il considérait que l'OHADAC était un navire chargé d'illusions, aujourd'hui, l'OHADAC avait pris forme. Il expliquait que les travaux au sujet de l'arbitrage OHADAC prenaient en compte toutes les lois relatives à l'arbitrage international de 36 des 39 territoires qui composent la Grande Région Caraïbe, une région hétérogène, mais partageant des intérêts communs. Il ajoutait que l'analyse des règles, des méthodes et des procédures des institutions avaient aussi contribué à créer une espèce de lex mercatoria de l'arbitrage pouvant être employée pour des expériences spécifiques.

Il s'interrogeait sur la « raison d'être d'un arbitrage OHADAC » et affirmait que :

  • l'arbitrage était un objectif, mais aussi un lien naturel, logique, historique, nécessaire et désiré entre d'un côté, la région de la Caraïbe et ses efforts d'intégration, et de l'autre, le projet OHADAC, en raison de la nécessité d'assurer la sécurité des transactions internationales dans la région,
  • ce n'était pas un hasard si, depuis sa création, l'OHADAC avait, au rang de ses principaux objectifs, la création d'un Centre d'Arbitrage Commercial International et la fourniture d'un cadre juridique pour l'adoption d'un Règlement d'arbitrage international OHADAC, adapté aux caractéristiques spécifiques de la Caraïbe, étant entendu que si la Loi Modèle OHADAC contribuait à l'arbitrage interne elle devait, néanmoins, avoir une projection internationale.

photo3Le Professeur Davalos Fernandez expliquait que le projet présenté avait vocation à concevoir un arbitrage commercial international qui accorderait plus d'avantages aux opérateurs économiques : indépendance de l'arbitre, efficacité du tribunal arbitral, vulgarisation de l'arbitrage en contribuant à la formation d'experts locaux, etc., et qu'en cela, l'adoption d'un règlement d'arbitrage ad hoc OHADAC visait à fournir aux opérateurs du commerce, avocats, professeurs, organes de la pratique juridique, et du monde des affaires internationales dans la région Caraïbe, un instrument idoine pour employer l'arbitrage commercial international comme une alternative de règlement des différends.

Il rappelait qu'un système arbitral ne pouvait reposer uniquement sur les intérêts des parties, l'efficacité arbitrale exigeant des procédures simples et des arbitres à la compétence avérée, précisant que le projet d'arbitrage OHADAC ne se limitait pas à la présentation d'un règlement d'arbitrage ad hoc et prévoyait la création d'un Centre Caribéen d'Arbitrage qui aurait pour fonction de promouvoir l'arbitrage, faire connaître le Règlement d'arbitrage OHADAC, contribuer à la formation des arbitres et des médiateurs dans la Caraïbe, et servir d'autorité de nomination dans les procédures d'arbitrage ad hoc suivies en vertu de l'application du règlement OHADAC.

Il concluait en soutenant que le projet d'arbitrage OHADAC viendrait renforcer un espace de collaboration entre territoires caribéens, en dotant la région de solutions d'arbitrage propres, répondant ainsi aux légitimes aspirations des opérateurs économiques de la Caraïbe.

Le Professeur José Carlos Fernandez Rozas intervenait ensuite sur la thématique : « Les fonctions caractéristiques d'un centre d'arbitrage ». Il affirmait que l'universalisme et le régionalisme étaient au cœur du raisonnement sur la création de modèles d'arbitrage et rappelait que les valeurs inhérentes aux centres d'arbitrage étaient la permanence, la régularité et le professionnalisme, et le Professeur de rappeler qu'ils n'étaient pas créés pour un arbitrage particulier et qu'ils exerçaient leurs fonctions avec un niveau de professionnalisme qui devait s'inscrire :

  • dans la connaissance de la réglementation de l'arbitrage émanant du centre lui-même et dans celle du pays où il développait, prima facie, son activité,
  • dans la supervision de la convention d'arbitrage et de l'activité procédurale de l'arbitre.

photo4Il ajoutait que le centre d'arbitrage avait l'obligation d'administrer avec diligence les arbitrages après avoir vérifié sa compétence, et que le rejet d'une demande d'arbitrage sans juste cause était susceptible de recours et pouvait engager sa responsabilité délictuelle pour les éventuels dommages causés.

Le Professeur Fernandez ROZAS faisait le distinguo entre l'arbitrage institutionnel et l'arbitrage ad hoc. Il indiquait que dans l'arbitrage institutionnel, la participation d'une entité administrant et organisant la procédure était définie, elle rendait un certain nombre de services pour permettre la résolution la plus efficace du conflit, étant entendu que la question litigieuse était résolue par des arbitres choisis (en principe) par les parties. Il rappelait qu'en règle générale, les centres d'arbitrage disposaient de listes d'arbitres, d'un règlement de procédure et de différents modèles de conventions d'arbitrage, rendant ainsi plus aisée la soumission des parties à l'arbitrage et insistait enfin sur le fait qu'un des principaux avantages de l'arbitrage institutionnel par rapport à l'arbitrage ad hoc était la simplification du contenu de la convention d'arbitrage, empêchant la propagation de « clauses pathologiques ».

Il ajoutait que les institutions arbitrales fonctionnaient avec des règles et des procédures préétablies et améliorées à l'aulne de l'expérience, la simple référence aux règles de l'institution étant suffisante sans que les parties aient à se mettre d'accord sur les détails de la procédure, mais précisait que, dans le cas contraire, la convention d'arbitrage devait contenir une série de précisions difficiles à prévoir lors de la rédaction de la clause d'arbitrage.

Avant de conclure, il distinguait les entités se limitant à réaliser la seule fonction de désignation des arbitres (appointing authority) et celles remplissant une fonction d'administration véritable (une fonction tutélaire), de plus ou moins grande envergure, tout au long du processus d'arbitrage, allant même jusqu'à intervenir dans la rédaction, sans pour autant intervenir, il allait sans dire, sur le fond des sentences arbitrales.

photo5Au plan caribéen, José Carlos Fernandez Rozas précisait que la Loi Modèle d'arbitrage de 1995 n'avait pas été suivie par tous les Etats de l'espace géographique l'OHADAC et que, par exemple, si le droit français faisait la distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international, de nombreux pays de la Caraïbe ignoraient ce modèle et le Professeur de conclure que l'harmonisation restait encore prometteuse, et que l'arbitrage international devait occuper une place de choix dans la Caraïbe, car nous vivons à n'en pas douter dans un monde mondialisé.

Francisco Victoria Andreu portait à la connaissance du congrès le « Rapport de l'Association Andrés Bello des Juristes franco-latino-américains sur le projet de règlement d'arbitrage ad hoc et de Centre Caribéen d'Arbitrage »

En guise de propos introductif, Francisco Victoria Andreu rappelait que le monde actuel était de plus en plus globalisé, que les frontières s'amenuisaient alors que dans le même temps, les portes du commerce international s'ouvraient. De nouveaux acteurs émergeaient et se développaient. Dans ce contexte, la sécurité devait être assurée à tous les niveaux, pour un règlement des conflits plus rapide, plus économique et plus respectueux de l'autonomie de la volonté des parties, mais aussi garant des principes d'égalité et de procès équitable. Il soutenait qu'ainsi, l'arbitrage était la façon de résoudre les litiges qui permettait de garantir la certitude juridique requise, et représentait un véritable moteur de développement économique pour une région donnée.

Pour ce qui était du Centre Caribéen d'Arbitrage, il concluait à la pertinence de l'existence d'un centre, en raison de l'activité économique caribéenne, et de la référence qu'il pouvait constituer pour d'autres pays d'Amérique latine, d'autant plus que la Grande Région Caraïbe comptait plus de 260 millions de personnes imprégnées de cultures juridiques différentes, l'objectif du projet OHADAC d'arbitrage s'insérant dans la réalité socio-économique de la région, en comprenant ses besoins et en offrant des alternatives intéressantes qui garantissaient l'accès à une justice plus neutre. Grâce à ce projet, des aspects particulièrement importants de la procédure arbitrale de l'environnement caribéen pourraient être résolus, voire au niveau latino-américain, en se constituant comme une alternative institutionnelle pour les acteurs du commerce international.

Il ajoutait qu'une des questions fondamentales restait le choix du siège et que la ville de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, représentait une marque juridique certaine et une sécurité pour une procédure arbitrale dans la mesure où se trouvant en terre française, elle faisait partie d'un État qui avait une longue tradition de l'arbitrage.

Pour ce qui est du règlement d'arbitrage (qui peut s'inspirer d'autres règlements), Francisco Victoria Andreu faisait état de la possibilité de choisir entre un arbitrage ad hoc ou un arbitrage institutionnel, la principale difficulté au regard de la question du droit applicable étant la façon dont les parties vont le choisir.

Il notait que :

  • le règlement était présenté de manière superficielle en matière d'intervention des tiers,
  • il convenait de prendre en compte la place de l'arbitrage en matière d'investissement
  • l'acte de mission devait comprendre les délais et les coûts d'intervention.

Narciso Cobo Roura présentait, ensuite, « Le projet OHADAC pour l'arbitrage commercial international ». En guise de propos introductif, il prononçait trois citations :

  • « Même l'inattendu finit par devenir coutume »,
  • « Tire les rideaux, n'allume point »,
  • « La crise est un indicateur qui annonce que le moment est venu de repenser les outils ».

photo6Il indiquait que le projet de règlement d'arbitrage OHADAC présentait de multiples avantages, notamment son ordonnancement, qui s'inscrivait dans l'esprit du règlement d'arbitrage de la CNUDCI de 2010, permettant de suivre pas à pas la « construction » de la procédure arbitrale, et saluait la clarté de sa rédaction et du langage (évitant dans la mesure du possible, les termes polysémiques ou d'équivalent difficile), compte-tenu des différentes langues présentes dans les pays de la Caraïbe insulaire. Il affirmait que le projet de règlement d'arbitrage de l'OHADAC était le résultat d'une harmonisation des conflits, une forme de syncrétisme en matière d'arbitrage.

Il faisait état de deux innovations qui devaient faire l'objet d'une communication et qui réclamaient une particulière attention :

  • sa singulière vocation de régir indistinctement les deux types d'arbitrage - que ce soit l'arbitrage ad hoc ou l'arbitrage institutionnel,
  • le fait de projeter - dans les deux cas - l'utilisation de l'acte de mission, tiré de cette autre référence incontournable, qui était et resterait, le Règlement d'Arbitrage de la CCI.

Et ajoutait que l'intention de créer un centre d'arbitrage et non un tribunal, signifiait qu'on ne voulait pas aller au-delà de l'harmonisation. Le centre avait vocation à faciliter la communication entre les parties, à établir leurs prétentions et le montant de la réparation des préjudices.

Narciso Cobo Roura soulignait l'importance de l'acte de mission et des avantages qu'il présentait, à savoir :

  • déterminer les questions sur lesquelles le tribunal devait se prononcer,
  • limiter l'introduction de nouvelles demandes, sans pour autant empêcher la présentation de nouveaux arguments ce même si les parties ne peuvent modifier les prétentions à leur guise.
  • Promouvoir une communication entre les parties afin de permettre une solution conciliatrice,
  • Corriger les vices de l'accord arbitral.

L'intervention de Narcisse Aka clôturait l'atelier consacré à l'arbitrage. Elle portait sur « La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage OHADA - CCJA OHADA - : un centre régional d'arbitrage ».

Narcisse Aka de rappeler que l'OHADA était composée de 17 États représentant le tiers du continent africain et qu'elle pouvait être définie sans difficulté comme un espace d'intégration juridique et judiciaire, ce d'autant plus qu'il ressortait du préambule et de l'article 1er du Traité fondateur, que l'OHADA, Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du droit des Affaires, entendait « promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels ».

photo7Il précisait que la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage avait trois fonctions : une fonction judiciaire, une fonction consultative et une fonction d'arbitrage, il s'agissait d'une expérience unique au monde, car nulle part ailleurs, il n'existait de centre d'arbitrage au sein d'une instance judiciaire suprême. Il ajoutait que le recours à l'arbitrage pour le règlement des différends avait été défendu à l'origine par les pères fondateurs de l'OHADA et que dès qu'il y avait une convention d'arbitrage, la cour était compétente.

Au plan procédural, il indiquait qu'il était impossible de dépasser le nombre de trois arbitres, qu'il existait une liste de 200 arbitres, originaires ou non de l'espace OHADA et dans laquelle les parties pouvaient (sans que ce soit une obligation), choisir des arbitres et qu'enfin, les parties peuvent choisir le siège de l'arbitrage dans ou hors de l'espace OHADA.

Pour ce qui était des délais, Narcisse AKA précisait que la procédure était encadrée par des délais stricts, le tribunal arbitral disposant de 6 mois pour clôturer les débats et ayant la possibilité de prendre des mesures provisoires ou conservatoires, la sentence arbitrale bénéficiant alors de l'exequatur dans les 17 États de l'espace OHADA.

Il concluait en évoquant le projet de partenariat avec la Chambre de Commerce Internationale et les partenariats existants avec des centres nationaux.

Un débat animé s'instaurait alors entre les intervenants et les participants, de nombreuses questions relatives à l'arbitrage étant soulevées.

Pour toute autre information, contactez :

Dr. Jean Alain Penda
Courriel : japenda@ohadac.com

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