Nicolas Guérin, Président du Cercle Montesquieu, un Think-tank réunissant les directeurs des affaires juridiques des principales entreprises françaises, a choisi de consacrer la dernière conférence du Cercle au projet de « Code européen de droit des affaires ». Ce projet européen, qui place le droit du commerce et de l'entreprise au cÅ“ur de la construction européenne, entend unifier le droit des affaires au sein d'un code, pour rendre le droit européen plus accessible, plus lisible, et faciliter en Europe les échanges et les investissements.
Pour parler de ce projet, Louis Vogel, ancien Président de l'Université Panthéon-Assas, recevait le Professeur Philippe Dupichot, Secrétaire général de l'association Henri Capitant, qui pilote avec la Fondation pour le droit continental le projet, ainsi que Valérie Gomez-Bassac, Députée du Var, membre de la commission des affaires européennes et chargée par le Premier Ministre d'une mission sur le code européen des affaires.
Louis Vogel a rappelé que s'il existait bien des ouvrages de droit européen des affaires, ce droit à proprement parler, n'existait pas. La crise de la zone euro a révélé qu'il manquait dans cette zone monétaire unifiée une structure juridique commune pour lui permettre de fonctionner correctement. L'idée d'une unification du droit des affaires en Europe, qui procède du discours en Sorbonne du Président Macron et de la volonté franco-allemande de réaliser une zone économique unifiée avec des règles communes pour les entreprises, s'est progressivement imposé dans la conscience européenne. Les start-up et les PME seront naturellement les premières à bénéficier de ce projet, qui profitera à l'Europe dans son ensemble, en renforçant son attractivité pour les investisseurs étrangers.
Pour mettre en évidence les multiples dimensions du projet, Philippe Dupichot présente l'Europe comme une table de jeu, autour de laquelle les joueurs échangent des jetons identiques (des euros) mais voient les règles du jeu (le droit du commerce et des entreprises) varier d'un joueur à l'autre. Le projet de code européen des affaires a bien une dimension économique, puisqu'il s'adresse aux entreprises et vise à renforcer leur capacité d'internationalisation, mais également une dimension politique : il s'agit de montrer que l'Europe est au service de ses citoyens et de ses entreprises. « L'Europe s'est faite par le droit et dans une Europe en crise, il importe de ré-enchanter le projet européen par des projets structurants ». La troisième dimension du projet est sa dimension légistique : un directeur juridique d'entreprise, même le plus aguerri, est saisi de vertige lorsqu'il cherche à percevoir l'étendue du droit qui s'applique en Europe à son activité. C'est pour ces raisons qu'il est nécessaire de compiler le droit européen des affaires dans un code européen, qui se caractérisera par son style limpide et clair s'adressant directement aux entrepreneurs et aux commerçants.
A travers le projet de code européen, il s'agit de renouveler la façon dont l'Europe légifère : le processus décisionnel européen entretient volontairement la complexité du droit pour parvenir au compromis et comme le rappelle Louis Vogel, l'élaboration de la norme est souvent le fait de fonctionnaires européens, qui ont parfois perdu le contact avec les réalités du terrain. L'unification du droit européen par des directives apparaît par ailleurs bien souvent comme un cache-misère, qui préserve les particularismes nationaux. Sur le fonds, le projet de code européen des affaires contient également des innovations juridiques importantes, comme la création d'un registre européen, la création de modes alternatifs de règlement des litiges européens, la création d'une nouvelle société européenne simplifiée ou encore d'un contrat de prêt européen.
La Députée Valérie Gomez-Bassac a mis en évidence les nombreuses questions soulevées par le code européen des affaires : quel contenu pour ce code et quelle valeur impérative vis-à -vis des législations nationales ? Comment identifier les besoins concrets des entreprises et leurs attentes vis-à -vis du code européen ? Comment ce code européen de droit des affaires peut-il contribuer à rénover le droit européen de la concurrence ? Et enfin, quels pays doivent être concernés par cette unification ? Valérie Gomez-Bassac rappelle également que ce projet est un projet qui "fait débat". Certains s'inquiètent de voir disparaître les particularismes juridiques nationaux, d'autres craignent de voir du droit se rajouter au droit, au nom précisément de la simplification. Pour Madame la Députée, il convient également de tirer les leçons du passé, en faisant de l'unification du droit des affaires une étape intermédiaire vers davantage de convergence fiscale et sociale en Europe. Madame Gomez-Bassac remettra début mai les conclusions de son rapport, mais souligne déjà l'engouement que rencontre ce projet dans les autres pays d'Europe.
Pour tout renseignement complémentaire, merci de contacter Alexandre Robinet-Borgomano, Email : alexandre.robinetborgomano@gmail.com
Publié le 18/04/2019, 11h40